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Les All Blacks manquent d'inspiration, Robertson aussi

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Avec quatre victoires sur les sept premiers matchs de son mandat, on ne peut pas dire que le mandat de Scott Robertson à la tête des All Blacks est conforme aux attentes, il est vrai énormes.

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L’ancien boss des Crusaders s’est vu confier le poste en mars de l’année dernière, à l’issue d’un processus sans précédent, puisqu’il a été nommé alors le sélectionneur en place à ce moment-là, Ian Foster, avait encore six mois de contrat. L’argumentaire présenté aux médias consistait en un vent nouveau que Robertson était censé apporter en 2024.

Le changement, entendait-on, apporterait de meilleurs résultats. Il mettrait fin aux défaites embarrassantes face à l’Argentine par exemple, et permettrait aux All Blacks de repasser devant l’Irlande et les Springboks pour se hisser de nouveau au sommet du classement mondial.

Mais voilà, à mi-parcours de la première année de Robertson à la tête de la sélection, les All Blacks ont concédé une défaite surprise contre l’Argentine à Wellington, et deux revers contre les Springboks. Conséquence, dans le meilleur des cas les Néo-Zélandais termineront l’année deuxièmes du classement World Rugby, à moins d’un effondrement inattendu et improbable des Springboks.

Cette position de dauphin est même loin d’être garantie. Non seulement les Blacks vont devoir se coltiner consécutivement l’Angleterre, l’Irlande et la France en novembre, mais le staff doit également trancher en matière de sélection de joueurs et de stratégie, deux domaines en souffrance que les deux test-matchs en Afrique en Sud ont mis en évidence.

Optimiste de nature, Robertson a choisi de retenir l’aspect positif de ces deux revers. Il a souligné que durant ces deux matchs, les All Blacks avaient eu le contrôle pendant la première heure de jeu, avant de perdre le fil lorsque les Boks ont fait entrer leur légendaire ‘bomb squad’ et ont repris la main.

Graphique d'évolution des points

South Africa gagne +6
Temps passé en tête
32
Minutes passées en tête
35
40%
% du match passés en tête
43%
65%
Possession sur les 10 dernières minutes
35%
5
Points sur les 10 dernières minutes
0

« On développe un bon rugby », a-t-il estimé après le 2e test. « Je vais essayer de voir le verre à moitié plein : on s’est souvent retrouvé à une passe de scorer. Notre façon d’attaquer, notre application en défense, je pense que l’Afrique du Sud n’avait jamais perdu autant de ballons au sol.

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Son analyse de la défaite lors du deuxième test face aux champions du monde est à peu près la même qu’au terme du premier, durant lequel ses joueurs menaient 27-17 pour finalement perdre 31-27.

« Il aurait fallu concrétiser quelques occasions de plus, tenter une ou deux pénalités de plus. C’est aussi simple que cela », a-t-il déclaré.

« On a fait face à une équipe très motivée, N.1 mondiale. On a passé plusieurs semaines loin de chez nous et on aurait pu gagner ces deux matchs. On les a perdus, c’est ça le rugby international. À nous d’être déterminés, décisifs et de mieux saisir les occasions ».

Sur le choix des joueurs Robertson donne l’impression de ne pas avoir de fil conducteur, d’être presque en panique après le premier test quand il a choisi de mettre les expérimentés TJ Perenara et Beauden Barrett sur le banc.

On peut néanmoins comprendre son optimisme. Ses All Blacks ont marqué quatre essais à l’Ellis Park, ont perturbé les Boks au Cap et se sont créés suffisamment d’occasions pour remporter les deux matchs.

On a vu, par moments, un jeu d’attaque fluide, une défense cohérente et solidaire qui a mis à mal les Springboks et il est assez légitime de la part de Robertson d’estimer qu’il ne manquait qu’une bonne passe, qu’un ballon mieux conservé, pour aller marquer.

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Mais en même temps, Robertson donne l’impression de ne pas avoir de fil conducteur sur le choix des joueurs. On l’a senti presque en panique après le premier test quand il a choisi de mettre les expérimentés TJ Perenara et Beauden Barrett sur le banc pour envoyer Wallace Sititi au charbon en 3e ligne alors qu’il ne comptait que deux sélections, et Will Jordan à l’arrière où il est apparu timide et inefficace.

Cette équipe, pour le 2e test, semble avoir été construite plus sur l’espoir qu’elle pouvait susciter que sur des certitudes. Robertson et son staff doivent prendre des décisions fortes et s’y tenir au moins jusqu’à la fin de l’année, voire jusqu’à la Coupe du Monde 2027 s’ils veulent construire un cercle vertueux et faire tourner ces matchs serrés en leur faveur.

Will Jordan
Robertson semble hésiter dans ses choix de joueurs et leur positionnement, ce qui ne contribue pas aux performances de coureurs comme Will Jordan (Photo Dirk Kotze/Getty Images).

Robertson, comme ses prédécesseurs d’ailleurs, prône la polyvalence de son équipe, et perçoit le fait que certains joueurs peuvent évoluer à au moins deux postes différents comme un atout majeur.

Cette caractéristique peut se révéler à double tranchant, et ‘Razor’ s’est peut-être fourvoyé en cherchant à aligner les joueurs qu’il estime intrinsèquement les meilleurs, sans forcément tenir compte de leur meilleur poste.

A 22 ans, Sititi, découvert cette année en Super Rugby, a évolué en 3e ligne aile, alors que ce n’est pas sa position naturelle. C’est un N.8, à qui on a demandé de jouer flanker parce que le titulaire habituel, Ethan Blackadder, s’était blessé à Johannesburg.

« Il est capable de jouer [N.6], vous ne pensez pas ? Je suis très content de lui, c’est un jeune homme exceptionnel quand on le connait. Il a un gros bagage technique, il est fort dans sa tête, fort physiquement. C’est incroyable qu’à son âge il soit aussi bon », a tenté de justifier le sélectionneur.

Les anciens sélectionneurs des All Blacks ont fait l’erreur de croire qu’ils pouvaient ignorer les spécificités de chaque poste de la 3e ligne, déplaçant les joueurs en fonction des circonstances. Mais cette méthode a-t-elle déjà fonctionné ?

S’entêter à aligner Sititi au poste de flanker serait une erreur, ou alors l’aveu que Robertson ne dispose pas du joueur adéquat pour ce poste.

Il a démarré la saison avec Samipeni Finau en N.6 jersey, a ensuite essayé Luke Jacobson, avant de replacer Blackadder côté fermé, lui qui avait évolué côté ouvert contre les Fidji.

Les anciens sélectionneurs des All Blacks ont fait l’erreur de croire qu’ils pouvaient ignorer les spécificités de chaque poste de la 3e ligne, déplaçant les joueurs en fonction des circonstances. Mais cette méthode a-t-elle déjà fonctionné ?

Dans un contraste saisissant, la meilleure 3e ligne all black des vingt dernières années – si ce n’est la meilleure de tous les temps – était composée de Jerome Kaino côté fermé, Richie McCaw côté ouvert et Kieran Read en N.8. Cette formule gagnante est apparue en 2009 pour ne plus jamais bouger, alors que Kaino avait auparavant joué 3e ligne centre et Read flanker.

Wallace Sititi
Wallace Sititi a été l'un des meilleurs joueurs des All Blacks au Cap, mais de plus en plus de voix s'élèvent pour l'installer en N.8 à la place d'Ardie Savea (Photo by RODGER BOSCH/Getty Images)

Au pays du Long nuage blanc, les voix s’élèvent pour que Robertson installe Sititi au centre de la 3e ligne, replace Ardie Savea à son poste naturel de flanker côté ouvert et poursuive sa quête d’un spécialiste en numéro 6.

Shannon Frizell pourrait être de retour du Japon l’année prochaine pour donner aux All Blacks un 3e ligne côté fermé de 1,95 m et 114 kg. Une 3e ligne formée de l’actuel joueur des Brave Lupus, Sititi et Savea a toutes les qualités pour tenir la distance jusqu’à la prochaine Coupe du Monde.

Ces joueurs combinent à eux trois rigueur défensive, capacité à porter le ballon, vitesse, expertise du jeu au sol et capacités en touche.

De la même manière, Robertson doit régler le cas Beauden Barrett. L’arrière ou ouvreur, 33 ans, a commencé la saison internationale sur le banc. Ses entrées contre l’Angleterre ont été tellement convaincantes qu’il est repassé titulaire jusqu’au test du Cap, où il a repris place sur le banc pour laisser le N.15 à Will Jordan.

Mais on a vite vu que l’habituel ailier manquait de repères à ce poste et a souffert face à la stratégie sud-africaine, qui avait choisi d’aller lui contester les ballons aériens. Résultat, il a été renvoyé sur le banc au bout d’une heure de jeu.

Robertson doit trancher : l’ainé de Barrett doit-il jouer à l’arrière, à l’ouverture ? Doit-il être considéré comme un impact player ? De même, ‘Razor’ doit fixer Jordan à l’aile, ou  à l’arrière.

Peut-être redoute-t-il que Barrett, qui aura 36 ans en 2027, n’aille pas jusqu’au prochain Mondial. Les Boks pourraient lui répondre que Willie Le Roux, 35 ans, demeure leur choix N.1 à l’arrière.

Enfin, la dernière grande décision à prendre est de savoir s’il faut renoncer à faire de Rieko Ioane un centre de top niveau alors qu’il était un des meilleurs ailiers du monde.

Rieko Ioane
Rieko Ioane fait partie des joueurs qui ne sont pas toujours alignés à leur meilleur poste avec les All Blacks (Photo Grant Pitcher/Getty Images)

Ioane a été écarté pour le 1er match du Rugby Championship contre l’Argentine, puis a récupéré le poste de second centre pour le 2e match face aux Pumas. Au Cap, il a été déplacé à l’aile pour les 20 dernières minutes. Suffisant pour montrer, à ceux qui auraient oublié, que c’est à ce poste qu’il cause le plus de dégâts.

Ionae souhaite s’installer au centre, mais les All Blacks ont besoin de lui sur l’aile, où sa vitesse et sa puissance sont mieux mises en valeur. De plus, cela ouvrira la porte à Billy Proctor au centre, qui reformerait avec Jordie Barrett la paire de centres des Hurricanes.

Pour le moment, les résultats de Scott Robertson à la tête de la sélection néo-zélandaise ne sont pas conformes aux attentes, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais au moins, la voie à suivre semble claire pour y remédier.

Cet article a été initialement publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner.

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