Le bomb squad des Bleus n'inquiète pas les All Blacks
Les All Blacks sont l’une des rares grandes équipes internationales à résister à la tendance du banc 6-2 ou 7-1 (six ou sept avants remplaçants), préférant conserver trois arrières sur le banc.
L’Afrique du Sud a lancé cette mode ces dernières années, misant sur sa puissance et sa profondeur devant pour faire rentrer un deuxième pack ou presque en cours de match. La France a adopté une approche similaire, s’appuyant aussi sur un banc très dense en avants.
Les Bleus ont d’ailleurs remporté le dernier Tournoi des Six Nations en battant l’Irlande avec un banc 7-1. C’est dans la dernière demi-heure, après avoir injecté la quasi-totalité de leurs “gros” à la 48e minute, qu’ils ont fait la différence.
Les All Blacks restent pourtant attachés à leur modèle. Ils restent sur trois défaites de rang contre la France et quatre contre l’Afrique du Sud, ce qui pourrait laisser penser à une faille dans leur système. C’est ce que suggèrent les chiffres, mais en regardant de plus près, le contexte nuance ces résultats.
Aucune de ces rencontres n’a eu lieu en Nouvelle-Zélande. L’avantage du terrain fausse la réalité de ces confrontations. Historiquement, les All Blacks comptent 72 % de victoires à domicile contre l’Afrique du Sud et 87 % contre la France. Sur les dix derniers duels face aux Boks, un seul a eu lieu sur le sol néo-zélandais, ce qui a largement favorisé l’Afrique du Sud depuis 2020.
En finale de Coupe du Monde, le bomb squad des Springboks n’a pas pesé
Les All Blacks ont aussi concédé deux de ces quatre défaites à 14 contre 15, victimes d’un carton rouge en première période qui a scellé l’issue du match.
À Twickenham en 2023, le bomb squad sud-africain a brillé, certes. Mais la Nouvelle-Zélande avait perdu son pilier droit sur blessure après 13 minutes, et Jordie Barrett a été obligé de caler le flanc de la mêlée. Le banc des All Blacks était jeune et inexpérimenté.
En finale de la Coupe du Monde 2023, le banc en 7-1 n’a pas pesé. Même à 14, la Nouvelle-Zélande a globalement dominé la rencontre, sans souffrir physiquement. L’Afrique du Sud ne s’est imposée que d’un point grâce à deux échecs au pied néo-zélandais.
Sans le contexte, la stratégie du banc 7-1 semble être un coup de génie, mais la réalité est tout autre.
Le seul match où le banc sud-africain a vraiment basculé le match, c’est celui de l’an dernier à l’Ellis Park. Les All Blacks menaient 27-17 à l’entame du dernier quart d’heure, mais leurs propres remplaçants n’ont pas su finir le travail.
Côté français, sur leurs trois victoires récentes, deux ont été construites avec un banc en 6-2, tandis que le succès en phase de poule du Mondial 2023 est arrivé avec un 5-3. En novembre dernier, les Bleus se sont imposés avec un petit point d’avance. Toutes ces rencontres ont eu lieu au Stade de France. L’échantillon est donc trop restreint pour conclure que le bomb squad fait toujours la différence.
Pourquoi les All Blacks n’ont-ils pas besoin d’un bomb squad
Il y a aussi des raisons internes qui expliquent pourquoi les All Blacks n’ont pas besoin de banc surchargé d’avants. La première, c’est Ardie Savea.
Savea est un joueur capable de tenir tout le match à un niveau exceptionnel, que ce soit en N.8 ou en flanker. Il doit rester sur le terrain le plus longtemps possible. Aucun remplaçant ne peut apporter ce qu’il produit.
Désormais, Wallace Sititi s’impose aussi comme un joueur “full time”. Difficile d’imaginer sortir ces deux-là pour un avant frais mais moins talentueux. Avoir Savea et Sititi sur le terrain du début à la fin est un atout unique.
Cela signifie que les All Blacks n’ont pas besoin d’un sixième ou septième avant sur le banc. Leur priorité doit être de renforcer la qualité de leurs remplaçants à d’autres postes clés : demi de mêlée et ouvreur.
En 2015, la Nouvelle-Zélande disposait d’un banc exceptionnel : Keven Mealamu, Sam Cane, Victor Vito, TJ Perenara, Beauden Barrett, Sonny Bill Williams… L’équipe était complète et expérimentée du 1 au 23, avec cinq avants et trois arrières.
Ce n’est plus le cas en 2024, ni même en 2023.
Pour retrouver les sommets avec un banc 5-3, les All Blacks doivent renforcer leur profondeur au poste de demi de mêlée et d’ouvreur. Ce schéma ne fonctionne que si l’on dispose de remplaçants capables d’accélérer ou de gérer une fin de match.
Cela implique de faire revenir Richie Mo’unga du Japon : avec deux Coupes du monde au compteur, il est l’un des meilleurs N.10 du monde. Avec Beauden Barrett et Damian McKenzie, la Nouvelle-Zélande retrouverait une profondeur et une expérience capables de sécuriser ce choix tactique, même en cas de blessure.
N.9, le vrai problème des Blacks
Le vrai problème, c’est le poste de demi de mêlée. Cam Roigard est le numéro 1, mais n’a que 10 sélections. Cortez Ratima en compte 11. L’un comme l’autre manquent encore d’expérience. Le troisième demi de mêlée reste à trouver. Une blessure expose les Kiwis à titulariser un joueur très inexpérimenté.
Ratima doit prouver sa capacité à finir les gros matchs et à diriger l’équipe en fin de rencontre, ce qu’il n’a pas encore réussi (défaite à Ellis Park, à Paris…). Cela viendra peut-être avec le temps.
Avec Ian Foster, Finlay Christie était un joker défensif, mais pas un gestionnaire. Trop d’approximations, de coups de pied contrés, et une équipe mise sous pression dans le money time. En fin de match serré, il faut un 9 qui ne commet aucune erreur d’exécution, qui maîtrise le jeu au pied, et qui distribue proprement. Il ne s’agit pas d’avoir un dynamiteur, mais un gars sûr.
Plutôt que d’alterner Roigard et Ratima comme titulaires, il faut qu’un s’impose en finisseur, à la manière d’un TJ Perenara qui s’est construit dans ce rôle. Ils doivent aussi rester en bonne santé, ce qui n’est pas évident pour des 9 très portés sur le jeu courant. Roigard sort notamment d’une grave blessure.
Côté avants, on peut imaginer une troisième ligne Shannon Frizell (actuellement non sélectionnable car au Japon) – Ardie Savea – Wallace Sititi et une deuxième ligne Tupou Vaa’i – Scott Barrett. Sur le banc : Patrick Tuipulotu et un flanker polyvalent comme Luke Jacobson, Dalton Papalii, Samipeni Finau ou Peter Lakai pour remplacer Frizell ou pallier une blessure. Cela suffit à assurer un banc costaud quand tout le monde est là.
Le banc en 5-3 n’est pas mort, et les All Blacks peuvent tout à fait remporter la Coupe du Monde 2027 avec cette configuration. À condition de développer deux demis de mêlée de classe mondiale.
Ils n’ont pas besoin de plus d’avants sur le banc, au vu du talent à leur disposition.
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