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Diagnostiquée autiste, elle est l’une des arbitres les plus respectées du rugby mondial

L’arbitre Aimee Barrett-Theron lors du match du Tournoi des Six Nations féminin entre l’Angleterre et la France au stade de Twickenham, à Londres, le 29 avril 2023. (Photo : Bob Bradford / CameraSport via Getty Images)

On dit souvent qu’un bon arbitre est celui qu’on ne remarque pas. Mais parfois, c’est tout l’inverse : certains laissent une trace justement parce qu’on se souvient de ce qu’ils disent autant que de ce qu’ils sifflent.

Prenez Aimee Barrett-Theron. Après avoir raccroché les crampons en 2014, elle qui avait porté le maillot des Springboks en rugby à 7 et à XV, elle est restée dans le milieu, mais avec un sifflet à la main. Son tout premier match ? Un match de garçons de moins de 13 ans au Tygerberg Rugby Club, au Cap. Elle avait enlevé ses chaussures pour courir pieds nus, comme les jeunes.

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Elle commence l’arbitrage en 2015

Mais très vite, son œil aiguisé et son calme dans les moments tendus l’ont propulsée vers le haut niveau. En quelques mois, elle arbitre des rencontres provinciales. En 2016, elle officie pour la première fois en test-match, à Hong Kong : Japon vs. Fidji, 55-0.

Un an plus tard, elle est à la Coupe du Monde de Rugby Féminine en Irlande. En 2019, elle devient la première femme à arbitrer une finale de Varsity Cup. En 2020, elle entre dans le Currie Cup masculin (First Division), puis en 2021, elle débarque dans l’URC, le United Rugby Championship.

L’arbitre Aimee Barrett-Theron lors du match WXV 1 entre la France et l’Australie au stade Forsyth Barr de Dunedin, le 28 octobre 2023. (Photo : Derek Morrison / AFP)

Elle a été la première arbitre femme à passer la barre des 40 tests dont 14 avec la France. A l’heure où sont écrites ces lignes, on ne sait pas encore si l’arbitre sud-africaine officiera sur un match avec la France lors de la Coupe du Monde de Rugby Féminine 2025.

Ses faits d’armes

Et c’est sur ces grandes scènes que sa personnalité éclate au grand jour. Lors d’un match tendu entre les Ospreys et Benetton en URC, elle calme une échauffourée avec cette petite pépite : « J’ai pas fait tout ce chemin pour jouer les baby-sitters. Vous avez dix minutes pour vous reprendre. »

Trois ans plus tard, elle devient la première femme à arbitrer un match de Currie Cup (Première Division), en 130 ans d’histoire. Ce jour-là, elle recadre Bongi Mbonambi, talonneur des Boks, avec tact mais fermeté : « Bongi, est-ce que je peux parler, s’il te plaît ? Je vous respecte, toi et ce que tu représentes. Et je sais très bien que la plupart de tes joueurs ont sûrement joué plus de matchs que moi je n’en ai arbitrés en URC. Mais on est sur le même terrain. Donc si tu pouvais me montrer le même respect que je te montre, ce serait très apprécié. »

Entre les Ospreys et Benetton : « J’ai pas fait tout ce chemin pour jouer les baby-sitters. Vous avez dix minutes pour vous reprendre. »

Mais son intervention la plus marquante a eu lieu en 2024, lors d’un match du Six Nations U20 entre l’Angleterre et le Pays de Galles. Après une échauffourée, elle appelle calmement les deux capitaines : « Je suis pas en colère, les gars. Je suis juste vraiment déçue. Vous m’aviez tous les deux assuré dans le vestiaire avant le match que vous sauriez gérer vos équipes. Alors, vous m’avez menti ? Ou vous comptez rectifier le tir maintenant ? »

Au centre de l’attention

Alors, cette fameuse règle du « l’arbitre doit rester discret », elle en pense quoi ?

« Moi, ça ne me dérange pas d’être au centre de l’attention s’il le faut », confie-t-elle à RugbyPass. « Je suis ambitieuse. Je veux arbitrer les plus grands matchs. Je veux qu’on me considère comme la meilleure. Pourquoi un arbitre n’aurait-il pas le droit d’être ambitieux ? »

L’arbitre Aimee Barrett-Theron échange avec Josh Macleod (Scarlets) lors du match de United Rugby Championship entre les Dragons et les Scarlets au Principality Stadium, à Cardiff, le 19 avril 2025. (Photo : Huw Fairclough / Getty Images)

Elle ne cache pas qu’elle a douté au début. Mais un conseil de Jaco Peyper l’a beaucoup aidée. « Jaco a été génial avec moi. Il m’a dit un jour : “Ce sont les joueurs les rockstars, pas toi. Mais ça veut pas dire que tu ne peux pas rester toi-même. Si tu dois t’imposer, fais-le.” C’est ça qui m’a donné confiance. Je n’essaie pas de sortir une punchline à chaque match. Mais si elle vient, je la prends. Le tout, c’est de rester naturelle. »

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« Je n’essaie pas de sortir une punchline à chaque match. Mais si elle vient, je la prends. Le tout, c’est de rester naturelle. »

Être soi-même, ce n’est pas toujours simple. « Toute ma vie, je me suis sentie un peu différente. Les interactions sociales ne me venaient pas naturellement. J’étais plutôt timide, maladroite. Mais sur un terrain de rugby, j’étais à l’aise. »

Diagnostiquée autiste à la trentaine

Elle a été diagnostiquée autiste dans la trentaine. Une révélation qui l’a soulagée. « Ça a mis des mots sur plein de choses. Mes amis ne me voyaient pas comme moi je me percevais. Parfois j’étais en mode tunnel, à fond, dans ma bulle. Mais sur le terrain, cette concentration m’aide. Même s’il y a des milliers de gens dans les tribunes, j’ai l’impression qu’il n’y a que les joueurs et moi. Je n’entends rien. Je ne ressens pas la pression. Aujourd’hui, j’en fais une force. C’est mon super-pouvoir. »

Un super-pouvoir qui lui a permis de maîtriser l’art d’arbitrer. Car si les lois du rugby sont rigides, leur application, elle, demande du doigté. « Si on sifflait chaque ruck et chaque plaquage à la lettre, les matchs finiraient à 0-0. Il faut savoir quand ne pas siffler. Laisser le jeu vivre, c’est aussi ça, l’arbitrage. »

Elle connaît la fatigue, la pression, les émotions. Elle a été joueuse. Elle est aussi maman depuis peu. « Ça m’a donné de la patience… même si je suis plus fatiguée qu’avant ! » dit-elle en riant. Mais surtout, elle sait guider un match avec clarté, équilibre et respect. « Arbitrer, c’est un mélange de confiance et d’humilité. »

Parcours inspirant

Son regard se tourne désormais vers la Coupe du monde féminine qui arrive. « Je suis dans le rugby féminin depuis 2005. Voir l’engouement aujourd’hui, c’est incroyable. Si l’Afrique du Sud n’est pas en finale, j’adorerais y être… avec un sifflet. Et je n’ai pas honte de le dire. Cette ambition me porte. »

De ses débuts pieds nus au Cap à la grande scène mondiale, Aimee Barrett-Theron ne s’est pas contentée de faire respecter les règles. Elle a imposé un style. Avec autorité, sincérité et un sacré sens du timing.

Elle n’arbitre pas pour qu’on parle d’elle. Mais son parcours inspire. « Je veux qu’on me juge sur mes performances. Mais si je peux représenter quelque chose… tant mieux. Pas juste le fait d’être une femme. Le fait d’être une femme qui est pleinement elle-même, et qui est à sa place sur les grandes scènes. »

Publié initialement sur RugbyPass.com, cet article a été adapté en français par Willy Billiard.

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