Pourquoi les clubs étrangers devraient regarder la Pro D2 de près
La Pro D2 n’a plus à rougir face à la Premiership ou l’URC. Les clubs anglo-saxons pourraient même y dénicher quelques joueurs à même de renforcer judicieusement leur effectif.
Depuis quelques années, je porte un regard très attentif sur la Pro D2. Ce n’est pas seulement parce qu’y aller, c’est souvent synonyme de bons repas et d’une bouteille de vin dans la tribune. Ce qui ne gâche rien, reconnaissons-le.
Pour moi, la Pro D2 est tout simplement la compétition parfaite. Elle est ultra-compétitive : à deux journées de la fin de la saison régulière, sept équipes pouvaient encore terminer dans les deux premiers, et six autres pouvaient finir dans la zone de relégation. Le Stade Niçois, dernier du classement, a même remporté plus de matchs cette saison (7 victoires en 30 journées) qu’Exeter et Newcastle réunis en Premiership sur 34 matchs.
L’amour que je porte à la Pro D2 semble d’ailleurs gagner du terrain, surtout maintenant que les restrictions budgétaires forcent les clubs de Premiership et de l’URC à faire preuve de créativité dans leur recrutement.
Voici, selon moi, les dix joueurs à suivre pour renforcer votre effectif. Mais commençons par répondre à quelques questions.
Quel est le niveau de la Pro D2 par rapport à la Premiership ou l’URC ?
Difficile à dire exactement. À mon avis, les meilleures équipes de Pro D2 (Grenoble, Provence, Brive) pourraient rivaliser avec la plupart des clubs de Premiership ou d’URC, à l’exception de Bath, du Leinster ou Glasgow, mais elles leur tiendraient tête.
Les équipes du ventre mou seraient compétitives face aux équipes moyennes ou en difficulté de ces championnats, alors que les relégables de Pro D2 auraient du mal contre la majorité des équipes anglaises ou celtes.
Le cas de Vannes est parlant : promu en Top 14 l’an dernier, le club est déjà en position de redescendre. En Challenge Cup, ils ont pourtant battu largement Gloucester et perdu de peu face à Édimbourg, mais aussi face à Black Lion, la franchise géorgienne. Leur effectif n’était pas toujours au complet, mais cela prouve que le niveau Pro D2 reste solide.
Y a-t-il des coups à faire en Pro D2 pour les clubs étrangers ?
Pas vraiment. Le rugby français se porte très bien financièrement. Je connais des joueurs venus d’Angleterre en division inférieure (même plus bas que la Pro D2) qui gagnent mieux leur vie qu’en Angleterre, avec maison et voiture de fonction en prime.
Les clubs de Pro D2 peuvent donc surenchérir sur les salaires, surtout pour des joueurs non sélectionnés en équipe nationale. Courtney Lawes, par exemple, a reçu une offre supérieure à celle des Saints de la part de Brive.

La qualité de vie joue aussi : la majorité des clubs sont dans des zones ensoleillées, les matchs ont lieu le jeudi ou vendredi soir ce qui laisse le week-end libre, et il y a trois semaines de compétition puis une de repos, sans Coupe d’Europe à caser.
Pourquoi recruter en Pro D2 alors ?
Il y a deux domaines où les clubs les plus malins peuvent réellement prendre un avantage. Les règles JIFF du rugby français avantagent clairement les clubs qui alignent des joueurs qualifiables pour l’équipe de France. Pas besoin d’être né en France?: il suffit d’être passé par la filière de formation des clubs français.
Cela signifie que les meilleurs joueurs JIFF sont hors de portée pour quasiment tous les clubs d’URC et de Premiership. Cependant, les jeunes joueurs qualifiés JIFF sont disponibles, car ils ne perdront pas leur statut JIFF en allant jouer quelques années ailleurs et peuvent simplement revenir avec l’expérience d’un autre championnat.
Les joueurs non français peuvent aussi être trouvés à prix réduit, surtout s’ils souhaitent rentrer au Royaume-Uni après avoir pris un contrat en Pro D2 à une période où certains clubs étaient en difficulté financière, par exemple. Enfin, si vous voulez une star, vous pouvez en trouver une à un prix légèrement inférieur à ce qu’il vous en coûterait de la recruter en Top 14.
Sam Davies (Grenoble), ouvreur, 31 ans, Gallois
Le joueur en forme de la Pro D2. Il a mené Grenoble à une qualification surprise pour les play-offs la saison dernière, malgré une pénalité de huit points pour irrégularités financières. Davies a manqué quelques matchs en fin de saison passée, mais il est revenu pour porter Grenoble en tête de la Pro D2 avant le début des play-offs cette année. Il a perdu deux matchs d’accession contre Vannes et Montpellier, mais espère aller plus loin cette saison. Davies aurait refusé de retourner au Royaume-Uni, malgré l’intérêt des Leicester Tigers.

Ioane Iashagashvili (Mont-de-Marsan), 3e ligne centre, 25 ans, Géorgien
Un N.8 massif qui effraie les défenses françaises de tous niveaux depuis 2019. Il a joué 50 matchs sur les deux dernières saisons pour Mont-de-Marsan et Valence-Romans (avec qui il a réalisé la montée depuis la 3e division). C’est ce que le rugby français fait de mieux : donner beaucoup de temps de jeu à des jeunes s’ils sont assez bons. Taine Basham, le joueur des Dragons, aurait par exemple besoin de presque quatre saisons entières pour égaler l’expérience du Géorgien, même en incluant les matchs avec le pays de Galles. Il est JIFF, donc il faudra mettre le prix.
Pierre Courtaud (Béziers), ailier, 26 ans, Français
Il a embrasé la Pro D2 en novembre dernier, enchaînant une série de sept matchs consécutifs avec un essai, la plus longue série dans tous les grands championnats européens cette saison. Cette année est une révélation, alors qu’il n’avait marqué que trois essais lors de ses 15 précédentes rencontres. Courtaud n’est pas seulement un finisseur né?: il excelle aussi dans les rucks, gagnant un nombre impressionnant de turnovers cette saison. Béziers est en play-offs, donc il pourrait se retrouver en Top 14 l’an prochain.
Eoghan Barrett (Soyaux-Angoulême), ailier, 25 ans, Irlandais
Une grosse blessure au genou a interrompu la saison de l’Irlandais, mais il est revenu fort : trois essais en quatre matchs depuis son retour, plus un drop audacieux. Il est une pièce maîtresse de la remontée spectaculaire de Soyaux-Angoulême, passé de candidat à la relégation aux play-offs. Barrett a été formé à Pau, il a donc moins d’intérêt à retourner au Royaume-Uni car il est JIFF. Mais les provinces irlandaises devraient le surveiller.
L’accélération folle d’Eoghan Barrett sur le 2e essai du @SAXV_Charente ! 🏃💨#PROD2 pic.twitter.com/BSdB5tt6GJ
— Rugby PRO D2 (@rugbyprod2) April 9, 2025
Pablo Dimcheff (Colomiers), talonneur, 25 ans, Argentin
L’archétype du talonneur moderne : 10 essais marqués et un taux de ballons grattés qui ferait rougir un flanker. Un autre JIFF, repéré jeune après une Coupe du Monde U20 2019 remarquable. Cette équipe comptait aussi son actuel coéquipier Joaquín de la Vega à l’ouverture, lui aussi à surveiller dans une équipe de Colomiers qui a pris de la hauteur cette année grâce à une attaque retrouvée.
Lucas Oudard (Aurillac), troisième ligne/ailier, 23 ans, Français
Aurillac a beaucoup souffert cette saison et se retrouve en 14e position, menacé par un barrage avec le deuxième de Nationale. Suivez bien : la vraie révélation, c’est Oudard, qui a joué la première moitié de saison à l’aile à cause des blessures, avant de revenir en troisième ligne pour la seconde moitié. Excellent dans les deux rôles, il porte le ballon comme un troisième ligne très rapide ou un ailier très puissant.
Kévin Lebreton (Oyonnax), troisième ligne, 30 ans, Français
Lebreton a été un joueur clé d’Oyonnax dans les bons moments (accession en Top 14 lors de la saison 2022-23) comme dans les mauvais (retour en ProD2 cette année et saison difficile). Infatigable gratteur, plaqueur, porteur de balle, il est partout sur le terrain. Probablement le joueur le plus complet de Pro D2.

Retief Marais (Brive), deuxième ligne/troisième ligne, 29 ans, Sud-Africain
Courtney Lawes a été une formidable recrue pour Brive, mais on peut dire que sa réussite est facilitée par Marais. Le Sud-Africain a une caisse qui mérite d’être étudiée : il est sur tous les rucks, plaque tout ce qui bouge, est précieux en touche et en mêlée, et fait tout le travail de l’ombre qui permet aux autres de briller. Le genre de joueur que les supporters d’Exeter adoreraient immédiatement.
Christian Judge (Béziers), pilier droit, 32 ans, Anglais
Être pilier droit en ProD2 est un métier pour les costauds : le jeu est plus fermé, moins de temps de jeu effectif, plus de mêlées, donc on peut avoir de véritables piliers de mêlée pure. Judge ne peut pas se contenter de ça, car Béziers aime le jeu rapide : il doit courir et servir de relais, et il a progressé en mêlée depuis son arrivée en provenance des Saracens.

Iban Etcheverry (Agen), ailier, 26 ans, Français
La saison d’Agen est compliquée, mais Etcheverry s’est réinventé cette année : 13 essais en 23 matchs, alors qu’il n’en avait marqué que 22 en 103 matchs lors des six saisons précédentes. Il a appris à être patient, à se rendre disponible, et à multiplier les prises de balle dans un même mouvement. Deux de ses derniers essais viennent d’une action qu’il a lui-même créée avant de la finir. Un ailier à observer de près si vous êtes un jeune joueur à ce poste.
Cet article a été publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner
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