Sans Ronan O'Gara, un rugby français moins fort ?
Dans le quotidien The Irish Examiner, avant la rencontre entre La Rochelle et le Munster, Ronan O’Gara déclarait : « Ma seule volonté quand j’ai terminé ma carrière au Munster en 2013, c’était d’en devenir l’entraîneur. »
« Et pourtant, aujourd’hui, j’affronte le Munster. Il y a forcément un lien assez fort entre les joueurs et moi. J’ai passé une semaine étrange, comme si on était revenu dans le passé, ou que le temps s’était accéléré, je ne sais pas… »
On a plutôt eu l’impression d’avoir un bon vieux flashback lors du drop passé Jack Crowley à la 70e minute, un coup de pied que n’aurait pas renié le coach rochelais.
« C’était assez ironique de les voir gagner comme ça, sur un tel drop. Personnellement, j’en ai tenté et passé pas mal, et je peux dire que celui-ci, il était beau. »
« L’espace d’un instant, j’ai cru que Jack Crowley était avec moi, avant de tilter que ce n’était pas la bonne équipe ! »
Au plus profond de lui-même, il y a fort à parier qu’O’Gara s’est dit : « Quitte à perdre, autant que ce soit contre le Munster. » Ce sentiment doux-amer n’est qu’une maigre consolation pour celui qui disait déjà de son club, actuellement 10e en Top 14, qu’il était en « chute libre » après n’avoir gagné que huit matchs sur 20 en championnat.
Pour n’importe qui ne suivant pas assidument le rugby français, cela semble absurde, surtout vu de l’étranger, mais Ronan O’Gara se retrouve aujourd’hui sous pression. Comme le disait le journaliste irlandais Peter O’Reilly récemment dans The Times : « O’Gara n’a jamais été aussi vulnérable en douze ans de coaching. Il ne reste que six matchs en Top 14 et son équipe se retrouve en difficulté en vue des phases finales, elle qui a toujours terminé parmi les six premiers depuis son arrivée en 2019. »
Le rapport entre le Top 14 et les entraîneurs étrangers a toujours été complexe et ressemble plus à une relation enflammée entre un homme et sa maîtresse qu’à un paisible mariage de longue date. La flamme se consume deux fois plus vite.
Lors du Tournoi des Six Nations 2025, la France est l’équipe qui a marqué le plus d’essais – 30 – et qui en a concédé le moins – 11. Le week-end dernier, quatre des six équipes du Top 14 se sont qualifiées pour les quarts de finale de Champions Cup, malgré les 27 essais encaissés au total. La France défend manifestement mieux que ses clubs.
Malgré cela, il y a moins d’un an, dans Midi Olympique, on pouvait lire que Shaun Edwards, entraîneur de la défense des Bleus, était remis en question. « Quelque chose s’est incontestablement cassé. La preuve étant que depuis le début de l’année 2023, les Bleus ont encaissé à six reprises plus de trois essais, alors que cela ne leur était jamais arrivé durant les trois premières années… [Edwards] était déjà apparu quelque peu déconnecté du reste du staff pendant la dernière Coupe du Monde, passant de longues heures en solitaire. »
Pourtant, on peut affirmer sans mal que l’arrivée d’Edwards est la plus belle chose qui soit arrivée aux Bleus ces dix dernières années. Pour O’Gara, le constat est le même. Certes, La Rochelle est sur la pente descendante et semble avoir atteint son meilleur niveau il y a déjà deux ou trois ans. Mais la présence continue du technicien irlandais dans le championnat a offert à ce dernier une visibilité inédite à l’étranger.
Il semble toutefois que le rugby français n’ait pas envie de découvrir jusqu’où il pourrait évoluer et semble se contenter de son propre jardin, certes plutôt fleuri. Mais, si cette mentalité permet de gagner quelques Boucliers de Brennus voire un titre de champion d’Europe, cela ne conduit pas à une victoire en Coupe du Monde.
Si O’Gara quittait La Rochelle, c’est la France qui en pâtirait. Ronan O’Gara a la personnalité pour faire le lien entre la culture rugbystique locale et l’exigence du rugby international.
Malheureusement, s’il a réussi à monter sur le toit de l’Europe à deux reprises avec les Maritimes, l’absence de Bouclier dans l’armoire à trophées pourrait avoir raison de sa présence sur le banc des Rochelais.
Si ROG n’aura pas de mal à retrouver un poste après La Rochelle, lui qui a été annoncé au pays de Galles, en Australie, à Leicester ou encore au Munster, reste à voir si La Rochelle saura trouver le coach pour décrocher son premier titre en Top 14.
Cet article a été publié sur RugbyPass.com et adapté en français par Idriss Chaplain.
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