Le projet "Moonshot 2031" : Les USA veulent décrocher la lune
Inspiré par l’exploit des États-Unis, premiers à envoyer un homme sur la lune, l’entraîneur des US Eagles, Scott Lawrence, affiche clairement son ambition : atteindre un quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby organisée sur le sol américain en 2031.
Avec seulement trois victoires en Coupe du Monde à leur actif et une absence lors de la dernière édition du tournoi, les Eagles devront relever un immense défi pour décrocher les deux victoires nécessaires à une qualification en phase finale, et espérer aller encore plus loin.
Ce projet ambitieux repose sur “Moonshot 2031”, une initiative visant à propulser l’équipe vers des sommets inexplorés, à l’image de Neil Armstrong et Buzz Aldrin en 1969.
La grand-mère du coach des Eagles a fabriqué les boulons de la fusée Saturn
L’ancien numéro 8 des Eagles, Scott Lawrence, n’était pas encore né lorsque les États-Unis ont marqué l’histoire en remportant la course à l’espace, mais cet exploit résonne en lui alors qu’il cherche à transformer son équipe en une puissance mondiale du rugby. Cette inspiration l’a conduit à structurer le projet Moonshot 2031 en trois étapes : Projet Mercury, Projet Gemini et Projet Apollo. Un lien familial vient renforcer cette symbolique.
« En 1962, lors d’un discours à l’université de Rice, JFK a annoncé que les États-Unis iraient sur la Lune, alors même qu’aucune fusée n’avait encore été lancée », rappelle Lawrence, 49 ans.
Il voit un parallèle clair avec sa mission : « Le programme spatial est l’une des plus grandes réalisations de notre pays, nécessitant des centaines de milliers de personnes pour envoyer deux hommes sur la Lune. Ma grand-mère, qui travaillait dans une usine de Grand Rapids, au Michigan, fabriquait les boulons pour la fusée Saturn et était fière d’avoir contribué à cet accomplissement. »

Il poursuit : « Les astronautes étaient les meilleurs que le pays pouvait produire. De la même manière, les Eagles représentent aujourd’hui le meilleur du rugby américain. Bien que nous ayons manqué la qualification pour la Coupe du Monde 2023, viser les quarts de finale dans deux éditions exige un effort collectif immense. Si nous considérons les Eagles comme l’élite, avec le soutien de milliers de personnes, alors nous pourrons générer l’élan nécessaire. C’est cette vision qui m’inspire. »
Déjà un an à ce poste
Scott Lawrence a été nommé sélectionneur des Eagles en mai 2023, succédant à Gary Gold après l’échec de la qualification pour la Coupe du Monde de Rugby 2023. Après une période d’essai de six mois, il a été confirmé dans ses fonctions en janvier 2024. C’est au cours de cette transition que le programme Moonshot a vu le jour, avec pour ambition de propulser le rugby américain vers de nouveaux sommets.
La phase initiale, baptisée Projet Mercury, avait pour objectif de poser des bases solides. Elle s’est traduite par la mise en place d’infrastructures adaptées et le recrutement de profils compétents, notamment avec l’acquisition du United States Performance Centre à Charlotte, en Caroline du Nord, comme quartier général permanent des Eagles.
En 2024, le programme est passé à sa deuxième phase, le Projet Gemini. Inspiré par le développement des technologies nécessaires à la mission Apollo dans le cadre de la course à l’espace, cette étape visait à revitaliser le rugby américain. Parmi les priorités de Lawrence figuraient la relance du programme des moins de 20 ans, la construction d’une équipe nationale ambitieuse et attractive, ainsi que le renforcement de la cohésion entre joueurs et staff.
Les résultats ont été prometteurs : les Junior All-Americans se sont qualifiés pour le World Rugby U20 Trophy et ont atteint la finale en juillet 2024. Malgré une lourde défaite 48-10 face à l’Écosse, pays hôte, cette performance reste la meilleure des U20 depuis que Lawrence les avait menés au titre en 2012.
« Nous investissons dans les joueurs âgés de 18 à 23 ans, car c’est à cet âge que se joue la spécialisation sportive et que nous pouvons intégrer des athlètes venant d’autres disciplines », explique Lawrence. « Il est plus difficile de transformer les compétences et les habitudes au-delà de 23 ans. »
Pour renforcer cet effort, l’entraîneur sud-africain Neethling Gericke a été spécialement détaché pour élaborer des plans de développement à moyen et long terme, illustrant l’approche méthodique de cette transformation.
Retour dans le Top 15 mondial
En novembre, les US Eagles ont pris leur revanche sur le Portugal, qui les avait privés de qualification pour la Coupe du Monde 2023, en s’imposant 21-17 à l’Estádio Municipal Cidade de Coimbra. Ils ont ensuite enchaîné une victoire 36-17 contre les Tonga à Chambéry, en France, avant de triompher 26-23 contre l’Espagne à Madrid. Cette série de trois victoires consécutives a permis à Lawrence d’atteindre un bilan de 50 % de victoires en tant que sélectionneur (P14, W7, L7), marquant ainsi la première fois depuis 2019 que les Eagles enchaînaient trois succès d’affilée, ce qui les a propulsés de nouveau parmi les 15 meilleures équipes au classement mondial.

Bien que les Eagles aient été les deuxièmes moins bons marqueurs d’essais lors de la Pacific Nations Cup, avec seulement huit essais, et aient concédé le plus grand nombre de pénalités (45), des progrès notables ont été réalisés en novembre. L’équipe, qui passait d’une formation difficile à battre à une équipe capable de véritablement challenger ses adversaires, a montré des signes évidents de progression, notamment en matière de discipline. Après avoir enregistré une moyenne de 11,25 pénalités par match lors du PNC, le plus mauvais bilan du tournoi, les Eagles n’ont concédé que neuf pénalités en novembre.
« Nous avons utilisé 47 joueurs au cours des neuf matchs de l’année, ce qui montre la profondeur de notre effectif », a déclaré Lawrence. « Nous avons mis l’accent sur la discipline et avons beaucoup travaillé sur la précision technique dans la zone de contact. Notre pourcentage de plaquages offensifs a augmenté cette année. »
Il a ajouté : « Nous avons identifié les endroits où nous pouvions mettre la pression sur l’adversaire. Nous avons d’abord posé les bases de notre défense, puis nous avons commencé à nous concentrer sur l’attaque, à mieux conserver le ballon et à marquer. »
Selon lui, les résultats de novembre ont été rendus possibles grâce à la condition physique des joueurs et au temps passé ensemble. « Si vous menez deux choses de front avec les joueurs américains – les faire travailler dur et leur donner confiance dans leur direction technique – ils n’ont jamais de problème à se projeter en avant, ils seront toujours physiques. »
Il y a de plus en plus de talents qui émergent aux États-Unis, surtout chez les moins de 18 ans…
Les US Eagles auront de nombreuses occasions de mettre en pratique le programme de jeu de Scott Lawrence au cours de l’année, avec trois tests prévus en juillet, la Pacific Nations Cup servant de tournoi de qualification pour la Coupe du Monde 2027, ainsi qu’une série de matchs internationaux en novembre. Ces opportunités permettront à l’équipe de renforcer leur compréhension collective du jeu. Pendant ce temps, en l’absence de Trophy U20, l’équipe des moins de 20 ans se rendra en Afrique du Sud pour des matchs amicaux.
Avec AJ MacGinty, un talent « générationnel » selon Scott Lawrence, qui approche des 35 ans et semble peu probable de participer à la Coupe du Monde 2027, il devient impératif de trouver un demi d’ouverture capable de prendre la relève et de mettre la pression sur des joueurs comme Luke Carty.
Lawrence a exprimé son enthousiasme après avoir rencontré les jeunes talents : « La semaine dernière, j’étais avec nos U18 et U20 lors de stages de détection de talents en Californie, et il y avait 86 joueurs dans le groupe. »
Il a ajouté : « Nous cherchons toujours les 10 % les plus talentueux, même parmi ce groupe, et nous constatons qu’il y a de plus en plus de talents qui émergent aux États-Unis, surtout chez les moins de 18 ans. »

En observant les compétitions ces dernières années, il a noté une amélioration des compétences et des habitudes des jeunes athlètes. « Le talent est là, il suffit de les placer dans un environnement d’entraînement quotidien adapté et de veiller à ce qu’ils jouent des matchs significatifs. »
L’expérimentation de Anthem RC dans la MLR
En centralisant les meilleurs talents nationaux dans un seul club de Major League Rugby (MLR), l’Anthem RC s’inspire du modèle des anciennes équipes de Super Rugby, comme Los Jaguares (Argentine), ainsi que des franchises actuelles de Super Rugby Americas, Peñarol (Uruguay) et Selknam (Chili), qui ont toutes contribué à la performance de leurs équipes nationales. L’Uruguay et le Chili se sont qualifiés pour la dernière Coupe du Monde, tandis que les États-Unis n’ont pas réussi à décrocher leur place. L’Argentine, quant à elle, a réalisé sa meilleure performance lors du Rugby Championship de l’année dernière.
« Les équipes sud-américaines, comme celles du Chili et de l’Uruguay, sont très compétitives. Plus de 70 % des joueurs de ces pays évoluent dans les clubs du Super Rugby Americas, et on observe la même chose avec des équipes comme les Fijian Drua et Moana Pasifika dans le Super Rugby Pacific. C’est un modèle assez courant à ce niveau », souligne Lawrence.
Outre Anthem, il espère que d’autres équipes de la Major League Rugby (MLR) s’engageront à recruter des talents locaux. « Il s’agit de rassembler les joueurs disponibles, de les concentrer et de favoriser la cohésion au maximum », précise-t-il.
Men’s Eagles Captain, Greg Peterson ready for life after rugby.
Story ⤵️https://t.co/dixVI4HfCY
— USA Rugby (@USARugby) December 15, 2024
Il voit également Anthem comme un centre de développement. « Anthem servira probablement de centre de développement, un endroit où les jeunes joueurs peuvent évoluer et apprendre. Nous espérons qu’ils passeront un certain temps ici, mais l’objectif est aussi de les voir évoluer en MLR et décrocher des contrats plus importants dans d’autres clubs. »
Prioriser le développement de joueurs locaux
Selon lui, il est crucial que d’autres franchises de la MLR partagent cette même vision et s’engagent à faire progresser les talents américains. « Nous n’avons pas besoin de révolutionner tout le système, mais il nous faut un noyau de trois ou quatre clubs qui priorisent le développement des joueurs locaux. »
Bien qu’il puisse sembler un peu idéaliste, Lawrence n’a qu’une seule envie : prouver aux sceptiques qu’ils ont tort et libérer l’énorme potentiel du rugby américain sur la scène mondiale. « Nous avons eu un avant-goût de ce qu’il faut faire, et il s’agit maintenant de rassembler les pièces du puzzle. »
Pour lui, l’objectif de cette année est clair : « Aller plus haut. Notre pays aime les grandes visions et ne se laisse pas décourager par les obstacles. »
Cet article a été initialement publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Willy Billiard.
Vous souhaitez être parmi les premiers à vous procurer des billets pour la Coupe du Monde de Rugby 2027 en Australie ? Inscrivez-vous ici.