Jack Willis, tiraillé entre la passion française et le mythe britannique
Pris entre deux mondes, Jack Willis, star anglaise du Stade Toulousain, incarne le dilemme des joueurs étrangers en France : alors que la sélection avec les Lions britanniques fait rêver outre-Manche, l’enjeu du Top 14 reste sacré côté français.
Jack Willis cartonne avec Toulouse : chouchou du public, respect total dans le vestiaire, joueur clé du Top 14… Mais le voilà au cœur d’un casse-tête bien particulier.
À l’approche de la tournée des Lions britanniques et irlandais, la question se pose : peut-on demander à un cadre du Stade Toulousain de faire une croix sur une potentielle finale de Top 14 pour partir en Australie avec les Lions ?
Pour l’ancien international Benjamin Kayser, désormais consultant écouté en Angleterre, le débat n’a pas vraiment lieu d’être de ce côté-ci de la Manche.
« Les Lions, c’est compliqué. Ce n’est pas un truc français, c’est impossible à comprendre pour les clubs et les joueurs ici », tranche l’ancien talonneur du XV de France. « Demander à Jack Willis de dire à Ugo Mola qu’il ne veut pas jouer une finale de Top 14… On ne peut pas lui demander ça. »
Kayser : « C’est comme demander à un joueur : ‘Tu préfères ta mère ou ton père ?’ »
Kayser va plus loin, évoquant la dimension presque impossible de ce choix : « C’est comme demander à un joueur : ‘Tu préfères ta mère ou ton père ?’ C’est exactement ça ».
Il rappelle alors le cas de l’Écossais Nathan Hines, avec qui il a joué à Clermont. « Il a dû faire ce choix sans savoir si le club irait en finale ou non. Il a choisi les Lions, et Perpignan a gagné la finale cette année-là sans lui (en 2009, NDLR) ».
Pour autant, Kayser ne cache pas qu’en tant qu’Anglais, Willis mérite de vivre l’aventure Lions : « Jack doit absolument jouer avec les Lions. Dans le cas contraire, les seuls à être contents seront les Australiens, qui n’auront pas à l’affronter. »

Mais la réalité du rugby français est différente. Ici, l’enjeu du Top 14 est roi. Libérer un joueur phare pour une tournée, c’est impensable. « C’est tout simplement impossible pour les clubs et les joueurs français d’envisager cela », insiste Kayser.
Passion française contre mythe britannique
Willis, lui, est devenu une figure à part dans la Ville rose. Kayser salue l’intégration de l’Anglais. « Il est adoré à Toulouse, c’est un joueur sensationnel. Voir un étranger capitaine à Toulouse, c’est rare. Le dernier, c’était Jerome Kaino, double champion du monde. »
Pour Kayser, l’aventure de Jack Willis en France est déjà une réussite : « Il a pris le risque de quitter l’Angleterre pour se développer, et ça a payé. Il a l’air vraiment heureux, toujours le sourire, champion de France et d’Europe, un joueur de classe mondiale. Il s’est totalement fondu dans la culture, parle un très bon français, ses enfants seront de vrais petits Toulousains. C’est une belle histoire. »
En conclusion ? Le rêve des Lions, c’est le Graal pour un Anglais. Mais en France, le Top 14 reste la priorité, et personne n’imagine sacrifier une finale pour une tournée, aussi prestigieuse soit-elle. Preuve qu’entre passion française et mythe britannique, le rugby ne se vit pas partout de la même façon.
Cet article a été publié en anglais sur RugbyPass.com et adapté en français par Jérémy Fahner.