Rugby à XIII, cartons rouges et retraite précoce : le Castrais Abraham Papali'i remonte le fil de sa carrière
Pierre angulaire d’un Castres Olympique enfin qualifié pour la phase finale de Champions Cup, le N.8 Abraham Papali’i se confie sur son parcours atypique.
On vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… Le Castres Olympique qualifié pour la phase finale de la Coupe des Champions, ça n’était en effet pas arrivé depuis… 2002 ! Il y a 23 ans, la compétition s’appelait encore HCup et les Tarnais avaient buté sur la dernière marche menant à la finale lors d’une chaude après-midi de fin avril, à Béziers, devant le Munster (25-17).
Tout a changé cette année. Qualifiés au soir de la 3e journée, les Tarnais ont signé l’une des performances du week-end en allant gagner sur le terrain des Saracens, s’offrant par la même occasion un 8e de finale accessible, à Pierre-Fabre face à Trévise.
En 2002, Abraham Papali’i n’avait que neuf ans à ce moment-là et touchait ses premiers ballons à Auckland, là où il est né. Pour RugbyPass, le colossal N.8 revient sur cet accomplissement pour le CO et sur sa carrière atypique, entre rugby à XIII, cartons rouges, retraite précoce et allers-retours entre la France et la Nouvelle-Zélande.
« La qualification était un objectif que l’on s’était fixé en abordant cette compétition. C’est pourquoi on a fourni de gros efforts contre le Munster et surtout contre les Bulls », informe Papali’i, interrogé avant la rencontre au StoneX Stadium, qu’il n’a pas disputée comme la plupart des titulaires habituels ce dimanche.
Trois cartons rouges en neuf mois à son arrivée en Europe
« On avait vraiment la volonté de faire quelque chose de bien dans cette compétition. Les équipes françaises mettent souvent la priorité sur le Top 14 et quand on regarde notre classement (le CO est 8e avec sept victoires en 14 matchs, NDLR), on garde en tête qu’un gros match nous attend ce week-end contre le Racing. »
Sous contrat jusqu’en 2027, le joueur de 31 ans a désormais bien pris ses marques en Top14, après des débuts difficiles dans le rugby de l’hémisphère nord. Héritée du rugby à XIII, sa technique de plaquage lui a en effet valu trois cartons rouges en neuf mois à son arrivée.
Il n’a ainsi joué que 25 minutes lors de son premier match avec le Connacht avant de plaquer Connor Murray en lui assénant un coup d’épaule dans le visage, écopant de trois matchs de suspension.
It’s a debut red card for Abraham Papali’i following a dangerous tackle 🔴
Tensions have been running high in this derby, but it’s now a major advantage for Munster 👀 pic.twitter.com/pD6BVB6cNP
— Premier Sports (@PremSportsTV) August 30, 2020
Rebelote peu après contre les Zebre avec un contact tête contre tête, et cinq semaines de suspension. Sa première saison en Europe s’est terminée par une troisième expulsion et quatre matchs au frigo pour un plaquage haut contre le Benetton Trévise.
Toutefois, un seul carton rouge est venu s’ajouter à cette collection. C’était avec Brive, en janvier 2023 contre le Connacht.
« À cette période, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur un bon groupe autour de moi, qui comprenait que je venais du rugby à XIII. J’ai travaillé vraiment dur sur ma technique de plaquage, pour m’assurer de me baisser en dessous de la poitrine et en accompagnant le plaquage au sol après le contact.
Un exercice de plaquage créé spécialement pour lui
« Mes entraîneurs avaient même créé un exercice où ils tenaient un poteau juste en dessous du sac de plaquage et je devais m’assurer que je descendais assez bas, sinon je me cognais la tête contre un poteau de ligne de touche, en plastique. J’ai fait ça un nombre incalculable de répétitions, en ayant en tête que ça allait faire mal si je le touchais.
« À XIII, il s’agit avant de tout de plaquer en restant haut et ensuite de recouvrir le ballon (pour empêcher de jouer le tenu rapidement, NDLR) et il m’a fallu du temps pour changer de mentalité. J’y travaille toujours d’ailleurs, pour faire en sorte de ne plus recevoir de carton rouge. »
Tout cela, pourtant, a bien failli ne jamais avoir lieu. Papali’i a en effet pris sa retraite sportive à l’âge de 25 ans. Le gamin d’Auckland a traversé la mer de Tasman en 2016 pour s’engager avec les Sydney Roosters, en NRL.
« Mes débuts, ç’a été un moment spécial. Ma femme et ma famille étaient là, je m’en souviendrai toujours. Pour mon premier match, j’ai affronté les Rabbitohs. J’ai fait une petite course et je suis tombé directement sur Greg Inglis. C’était vraiment spécial. »
L’aventure ne dure cependant que deux matchs. « Je manquais encore de maturité, en tant que joueur et en tant qu’homme », reconnait-il aujourd’hui. « J’avais encore de choses à améliorer, et c’était ‘marche ou crève’. Ils m’ont dit qu’ils n’allaient pas me garder, alors j’ai choisi d’aller jouer au rugby à XIII en France, pour continuer à travailler et à grandir.
A 25 ans, il arrête tout et rentre chez lui
Voilà comment il se retrouve une première fois en France, à Lézignan-Corbières, à disputer l’Élite 1. On est alors en 2017. L’expérience dure un an, le temps d’atteindre la finale du championnat avec les Sangliers.
Puis retour à Auckland, pour un changement de vie radical. « Je travaillais en tant que commercial dans une entreprise de démolition. Je vendais des portes et des fenêtres d’occasion, des meubles, des trucs comme ça. »
« J’avais 25 ans, j’avais arrêté de jouer professionnellement. J’avais quitté la France, je jouais à XIII avec un club amateur local, j’étais fiancé. Tout ce que je voulais, c’était travailler, me marier, mettre de l’argent de côté pour le mariage. Et j’ai fini par m’engager avec une petite équipe de rugby à XV, juste pour m’amuser.
« Finalement, j’ai reçu un coup de fil d’un ami qui jouait à Bay of Plenty qui m’a dit que j’étais trop bon pour jouer à ce niveau. Je suis allé là-bas pour faire un essai de deux semaines et Clayton McMillan, qui est le coach des Chiefs actuellement, m’a proposé un contrat. »
Une première incursion professionnelle chez les quinzistes qui nécessite un nouvel apprentissage, avec notamment les nouveautés en touche et en mêlée.
Le coup de fil de Bundee Aki
« J’ai manqué la finale que Plenty of Bay a remportée, mais Andy Friend m’a fait venir au Connacht après cette année. Il m’a dit qu’ils avaient étudié les statistiques de la compétition et que mon nom apparaissait parmi ceux qui gagnaient le plus la ligne d’avantage. Le premier de la liste avait déjà signé aux Auckland Blues, c’était Hoskins Sotutu je crois. Le deuxième, c’était moi. »
Un coup de fil de Bundee Aki finit de le convaincre de rejoindre Galway, où il passe deux saisons. Depuis, Papali’i s’est installé comme une figure du Top 14. À Brive tout d’abord en 2022, puis à Castres depuis 2023.
« C’est dur de se faire une place dans le rugby français. Chaque année depuis que je suis professionnel, je franchis une étape de plus, et je trouve que c’est que j’ai fait en allant du Connacht à Brive.
« Quand je jouais au rugby à XIII, je faisais 115 kg. Maintenant, je pèse 123 kg. En France, on adore les N.8 gros porteurs de balle. La dimension physique est très importante dans le rugby français, dans le Top 14.
« Tu affrontes des monstres en permanence. Chaque semaine tu rencontres des joueurs massifs comme Will Skelton ou Emmanuel Meafou. C’est donc important que je reste à ce poids qui correspond à la façon dont j’aime jouer. J’aime utiliser ma masse pour donner de l’impact au contact, surtout quand je porte le ballon. »
D’autant que cela aide le Castres Olympique à voir loin.
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