Coupe du Monde 2025 : ce que le tournoi a vraiment révélé, selon Simon Middleton
Cette Coupe du Monde de Rugby féminine 2025 restera dans les mémoires. Par son ampleur, par la passion partagée entre les joueuses et les fans, par les performances marquantes et parce qu’elle a offert un spectacle qui a fait grandir le rugby féminin.
Mais tout n’a pas été parfait à en croire Simon Middleton, l’ancien sélectionneur des Red Roses qui a mené l’Angleterre à cinq titres du Six Nations et une place de vice-championne du monde en 2022, dans une tribune publiée sur RugbyPass. Sur le terrain, les belles promesses ont parfois laissé place à de vraies déceptions.
Prenons le Japon. « Une équipe que j’ai suivie de près ces dernières saisons », précise Middleton. « J’ai vu de près comment cette équipe a fait évoluer son jeu, et je pense que ça s’est parfaitement reflété pendant la Coupe du Monde.
« Dans une poule très relevée, à l’exception des vingt premières minutes face à l’Irlande où elles ont été surprises d’entrée, elles ont montré de belles choses. Elles se sont même créé une occasion nette de revenir à un essai transformé, à vingt-cinq minutes de la fin. C’est l’interception d’Eve Higgins qui a finalement scellé le sort du match.
« Contre les Black Ferns, leur conquête a été remarquable avec un 100 % de réussite en mêlée et 82 % en touche, contre seulement 73 % pour la Nouvelle-Zélande. Elles ont inscrit les premiers points des deux mi-temps et terminé avec 19 points au tableau d’affichage. Aucune autre équipe n’avait réussi cela face aux Black Ferns avant la demi-finale perdue contre le Canada.
« Et puis il y a eu cette remontée contre l’Espagne en deuxième période. Menées 5-14 à la pause, elles l’ont emporté 29-21. Leur objectif final était de sortir de leur poule et même si elles n’y sont pas parvenues, elles ont atteint bon nombre de leurs objectifs de performance. Ce qui, pour moi, compte tenu de leur classement mondial, est une Coupe du Monde dont elles peuvent être fières. »
Les Fidjiennes sont à mettre sur le même plan selon l’ancien sélectionneur de l’Angleterre, notamment après sa victoire 28-25 sur le Pays de Galles. À l’inverse, l’Australie a déçu avec une seule victoire, un nul et deux lourdes défaites. « Leur potentiel, réel avant le tournoi, ne s’est jamais concrétisé », regrette Middleton.

Même constat pour le Pays de Galles et l’Italie. « Je les voyais comme outsiders », assure-t-il. « Je les voyais atteindre les quarts de finale, voire même créer la surprise en demi. Malheureusement, elles sont passées à côté de l’essentiel du tournoi, ne retrouvant un semblant de leur niveau que lors de leur confrontation face au Brésil.
« Le Pays de Galles, en particulier, a été une vraie déception. Non seulement elles terminent avec trois défaites en trois matchs, mais c’est surtout la manière de ces revers qui interroge. Il faut un changement profond. Et je pense qu’il arrive. Sean Lynn, le sélectionneur, a déjà commencé à intégrer de jeunes joueuses ce qui est, à mes yeux, la lumière au bout du tunnel. »
Du côté des réussites, Simon Middleton cite volontiers les joueuses qui ont étincelé : les Anglaises Ellie Kildunne et Hannah Botterman, les Néo-Zélandaises Jorja Miller et Braxton Sorensen-McGee – deux talents phénoménales – la Sud-Africaine Aseza Hele et bien sûr la Canadienne Sophie de Goede.
« C’est le genre de joueuse que j’emmènerais à la guerre avec moi parce qu’elle sait tout faire ! », dit-il. « Elle a tellement de facettes dans son jeu : grosse porteuse de ballon, gratteuse exceptionnelle, buteuse précise, leader naturelle. »
Côté équipes, l’Angleterre et le Canada ont survolé la compétition – principalement les Red Roses, on s’en doute. « L’Angleterre a été remarquable en finale. Mais pour moi, la performance la plus aboutie de tout le tournoi reste celle du Canada en demi-finale, face aux Black Ferns qu’elles ont complètement dominé », note-t-il.
« Et il y a une troisième équipe qui mérite d’être ajoutée à cette catégorie : l’Afrique du Sud. En quart de finale, les Springbok Women ont littéralement fait trembler les Black Ferns. La première mi-temps a été un chef-d’œuvre tactique, orchestré par Swys de Bruin. La Nouvelle-Zélande a été complètement déstabilisée. C’était peut-être le meilleur premier acte de toute la Coupe du Monde. Il y avait tout. »
Malgré ces lauriers, Simon Middleton partage quelques inquiétudes. Même si la Coupe du Monde de Rugby féminine a offert une fameuse visibilité au rugby féminin en élargissant son audience, sur le plan de la compétitivité, un déséquilibre persiste. Il y a l’Angleterre et les autres équipes derrière.
Middleton pointe les recettes : les investissements, le championnat PWR, les parcours de formation et l’influence de John Mitchell, le sélectionneur actuel qui se verrait bien entraîner la toute première équipe des Lions féminines.
« Certes, il a hérité d’un effectif de qualité, d’un staff dense, d’un programme structuré, mais il a su élever le niveau », remarque-t-il. Dès son arrivée, il a jugé que le programme restait sous-dimensionné et a donc obtenu plus de moyens pour renforcer le staff, les équipements et tout ça mis bout à bout à conduit à régler ces fameux détails qui rendent meilleurs et imbattables.
« Sur le terrain, il a très vite imposé sa marque », poursuit son prédécesseur. « À plusieurs reprises, il a utilisé cette expression : “enlever le frein à main”. Autrement dit : libérer les joueuses du carcan tactique, sortir du jeu trop structuré pour leur permettre d’exprimer davantage leur créativité et de prendre plus d’initiatives. Et lorsqu’on regarde les premières sorties sous sa direction, on peut voir que ça s’est illustré dans leur jeu.
« En gros, l’équipe s’est presque complètement dégagée de toute forme de structure offensive pour adopter une approche consistant simplement à courir et à jouer. Si l’Angleterre a marqué des points, elle a également commis de nombreuses erreurs et, bien qu’elle ait continué à faire le job, ses performances étaient dans l’ensemble irrégulières. »
Au fil du temps, un jeu plus structuré est revenu, un jeu plus classique basé sur l’occupation et la conquête. Mais l’idée de lâcher les chevaux est restée dans les têtes et ça s’est vu particulièrement avec Meg Jones et Ellie Kildunne qui, comme d’autres, ont su jouer à l’instinct, saisir l’instant, profiter de chaque occasion.
« Est-ce que d’autres fédérations veulent ou peuvent investir autant dans le rugby féminin que l’Angleterre ? Clairement, non… »
« Avec le recul, en termes de modèle de jeu, il semble que Mitchell a fait un long détour… pour finalement revenir à son point de départ : un jeu fondé sur l’occupation, un jeu dominant en conquête qui compte sur ses avants pour faire le travail. Mais dans ce parcours, c’est toute la richesse de son approche qui a permis à ses joueuses les plus tranchantes de donner le meilleur d’elles-mêmes et au final de décrocher l’or. L’Angleterre avance désormais à grande vitesse. La vraie question, c’est : qui peut encore les rattraper ? », interroge l’ancien head coach.
Pour l’instant, personne. Du moins, pas sans investissement massif. « Est-ce que d’autres fédérations veulent ou peuvent investir autant ? Clairement, non », assène-t-il. Le constat est rude. « Je ne suis pas sûr que toutes les instances dirigeantes voient les choses de la même manière que la RFU », ose-t-il.