La relation « je t’aime moi non plus » entre les fédérations de France et de Nouvelle-Zélande
Sportivement, ce sont deux géants du rugby mondial. Démographiquement, il y a clairement un Petit Poucet. Mais au-dessus de tout, les acteurs de cette tournée de juillet en Nouvelle-Zélande se respectent, même si leurs divergences sont nombreuses.
La première, et celle qui a fait le plus de bruit ces derniers mois, portait sur la composition du groupe que Fabien Galthié allait emmener en Nouvelle-Zélande. Entre impératifs pour les Bleus et coups de pression côté néo-zélandais, la discussion a parfois été loin.
« Les critiques sont venues de commentateurs médiatiques et d’anciens joueurs, pas de la Fédération », rappelle néanmoins Mark Robinson, le directeur général de la fédération néo-zélandaise de rugby dans un entretien accordé à l’AFP. « Nous avons toujours espéré que, pour nos fans, nous verrions des joueurs connus. Mais nous devons respecter le fait que la France a certaines contraintes liées à son championnat. Nous en avons discuté en privé et ces discussions resteront confidentielles. Mais nous n’avions aucun doute sur le fait qu’il s’agirait d’une équipe très compétitive. »
Cette équipe très compétitive a en effet surpris les All Blacks sous le toit fermé de Dunedin le 5 juillet. Un match qui aurait pu se tenir aux Etats-Unis si la France n’avait pas décliné la proposition début décembre 2024, quitte à froisser un peu plus leurs hôtes de ce mois-ci, sans cesse à la recherche de nouvelles retombées financières.
« Le rugby est contraint à l’intérieur de ses territoires traditionnels. Nous pensons qu’il existe des opportunités en Asie et en Amérique du Nord », justifie encore aujourd’hui Mark Robinson. « La raison n’est pas seulement de montrer à quoi peut ressembler ce sport mais aussi d’encourager la pratique au niveau local (…) La France compte 65 millions d’habitants. C’est un marché commercial puissant en soi. Elle ne voit peut-être pas la même opportunité que les All Blacks, mais nous, nous avons une population de seulement 5 millions de personnes. Nous devons envisager autrement la façon de générer des revenus, différemment de certains grands pays. »
« La France compte 65 millions d’habitants. C’est un marché commercial puissant en soi. Mais nous, nous avons une population de seulement 5 millions de personnes. »
Troisième point de désaccord ces derniers mois : la volonté de World Rugby d’imposer le carton rouge de 20 minutes dont la France ne voulait pas entendre parler, arguant que « le carton rouge est un outil crucial qui dissuade les comportements anti-sportifs et protège l’intégrité physique des joueurs ». Finalement, ce carton rouge controversé a été institué partout, même en Top 14 et Pro D2 la saison prochaine.
« Il y a trop d’exemples, par le passé, où des cartons rouges ont fait que le match est devenu quasiment joué d’avance ou plus déséquilibré », avance Robinson, fervent partisan de cette nouvelle règle. « Les règles sont claires : on peut toujours donner un carton rouge définitif s’il s’agit d’un geste violent, intentionnel. Pour être honnête, cela n’existe plus depuis longtemps au rugby, grâce aux nombreuses caméras. Le carton rouge définitif, tel qu’on l’applique aujourd’hui, est trop sévère pour des incidents qui, dans la grande majorité, ne sont pas délibérés.
Cette opposition de vue, doublée du refus des Français d’aller jouer aux Etats-Unis et ajoutée à une tournée fortement décriée avant qu’elle ne commence, n’a pas aidé à réchauffer des relations tendues entre les deux fédérations, même si le dialogue a toujours été transparent, honnête et cordial.
« Nous ne sommes pas d’accord sur tout, et c’est normal », concède l’homme fort de la fédération néo-zélandaise qui quittera son poste en fin d’année. « Mais plus je passe de temps avec Jérémy (Lécha, DG de la FFR, NDLR) et Florian (Grill, président de la FFR), plus je comprends pourquoi ils défendent certaines positions. Leur modèle est différent.
« Nous, nous créons beaucoup de valeur grâce à la force de nos équipes nationales et à la notoriété de nos marques à l’international. Et le championnat des clubs fonctionne pour contribuer au succès de l’équipe nationale. La France a une obligation beaucoup plus grande envers le système des clubs, en raison de la propriété des clubs et de la façon dont les contrats des joueurs fonctionnent. Cela crée donc des obligations et des pressions différentes. »
Malgré tout, le seul point commun entre les deux fédérations se retrouve… dans leurs budgets en difficultés. Car comme en France, la Fédération néo-zélandaise de rugby est en déficit presque chaque année, même si de nombreuses mesures sont prises régulièrement.
« Nous devons travailler davantage pour créer un modèle plus durable. Nous avons investi 40 millions de dollars auprès des provinces et de nos joueurs, ainsi que plus de 20 millions dans le numérique, le contenu pour les fans. Cela est présenté souvent sous l’angle de pertes financières, mais nous y voyons un investissement. Nous avons augmenté nos revenus, mais nous avons une structure de coûts qui augmente aussi (…) À mesure que l’activité se développe, elle doit évoluer », avance Mark Robinson.
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