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Blessé, brisé, ressuscité : l’incroyable come-back de JP du Preez après 650 jours

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Franco Smith n’est pas le genre à exagérer pour un oui ou pour un non. Alors quand l’entraîneur de Glasgow parle de « miracle », il ne verse pas dans l’hyperbole.

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Chrétien convaincu, Smith sait de quoi il parle et n’a pas choisi ce mot à la légère pour décrire la guérison spectaculaire de JP du Preez, deuxième-ligne de 2,08 m, éloigné des terrains pendant… 650 jours. L’histoire de son retour a tout d’un scénario de film : de la douleur, de l’angoisse, de la détermination… et au bout du tunnel, une forme de rédemption.

Cela fait déjà deux ans que le Sud-Africain a foulé pour la dernière fois un terrain de rugby au cours d’un match, soit entre la finale de Challenge Cup en mai 2023 et son retour contre les Ospreys, en United Rugby Championship, le 1er mars 2025. La blessure avait tout ce qu’il y a de banal, au final :  le pied pris en étau, le corps qui part de l’autre côté… Résultat : ligaments du genou et ménisque déchirés. Il n’est pas le seul à avoir connu ça.

JP du Preez (Glasgow) et Sebastian Negri (Benetton) disputent une touche lors du match de United Rugby Championship entre Benetton Trévise et les Glasgow Warriors, au Stadio Monigo, à Trévise, le 10 mai 2025. (Photo : Timothy Rogers / Getty Images)

Trois mois après le début de sa rééducation, Du Preez attaquait la fonte à la salle et courait sur de courtes distances sans problème. Mais dès qu’il tentait un changement de direction, une douleur aigue se propageait depuis son genou.

Des examens plus poussés ont révélé un défaut au niveau du fémur, directement lié à sa blessure. Il a appris la nouvelle dans une salle de soins à Scotstoun. Un coup de massue. Si Du Preez voulait continuer à jouer au rugby, il lui faudrait trouver un donneur et un fragment osseux parfaitement adapté pour réparer les dégâts.

« J’ai eu un petit moment de faiblesse quand on me l’a annoncé », confie-t-il. « C’était déchirant. On a toute la famille restée en Afrique du Sud, ici il n’y a que moi, ma femme et notre fils. Je suis là pour jouer avec les Glasgow Warriors, et uniquement pour ça. Ne plus pouvoir le faire, tout en étant loin de nos proches, ça m’a vraiment brisé.

« Mon kiné m’a rappelé et m’a dit : “Écoute, là c’est quitte ou double. Ce truc va soit te reconstruire, soit t’achever.” »

« Mon kiné m’a rappelé et m’a dit : “Écoute, là c’est quitte ou double. Ce truc va soit te reconstruire, soit t’achever.” Je suis rentré chez moi, j’en ai parlé avec ma femme, et on a décidé d’y aller. Si ça ne marchait pas, au moins je saurais que j’aurais tout tenté. »

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Avancer ne voulait pas seulement dire repasser sur le billard ou repartir pour des mois de rééducation en plus. Ça voulait dire trouver un fragment de fémur compatible pour lancer le processus. Et vu la taille de Du Preez, ce n’était pas gagné. Il n’avait plus qu’à attendre, et espérer un coup de fil. Et deux mois plus tard, le téléphone a sonné.

« Parce que je suis assez grand, les médecins m’ont dit qu’il fallait quelque chose de parfaitement ajusté. Mon fémur est assez gros, donc il fallait attendre, j’étais en alerte, prêt à tout moment : dans la minute, l’heure ou le jour suivant.

« Ils ont foré une partie de mon fémur pour y insérer l’os du donneur. Si la greffe ne prenait pas, ma carrière dans le rugby était finie.

« Mais le truc le plus dingue, c’est quand le chirurgien m’a dit que l’os s’était emboîté parfaitement. Il a pris un marteau, il a tapé, et ça s’est mis en place, sans espace, sans ajustement. Quelques mois plus tard, j’étais de retour sur le terrain. »

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JP du Preez (Toyota Cheetahs) lors du match de Guinness Pro14 face aux Cardiff Blues au Toyota Stadium, à Bloemfontein, le 27 octobre 2018. (Photo : Johan Pretorius / Gallo Images / Getty Images)

Réintroduire un corps de cette taille dans un sport de contact est déjà un défi en soi. Du Preez pouvait encore soulever de la fonte et renforcer les muscles autour de son genou. Il pouvait aussi courir en ligne droite, mais pas avec les outils classiques de rééducation qui n’étaient pas adaptés.

« On a dû changer pas mal de choses », raconte-t-il. « On a un tapis de course antigravité, mais il bugge tout le temps à cause de la longueur de mes jambes, donc on a fini par faire les séances de course dans la piscine. Le but restait le même. »

La finale du United Rugby Championship a été un vrai ascenseur émotionnel : la joie immense de voir Glasgow triompher, mais aussi la réalité brutale pour Du Preez, toujours incapable de jouer, encore à plusieurs mois d’un retour. Il a regardé ses coéquipiers dominer les Bulls depuis le club à Scotstoun, entouré des familles des joueurs.

« Notre premier quartier était plutôt dangereux – des coups de feu dans la rue, des gens qui essayaient de rentrer dans nos garages.»

« Tous les conjoints et les enfants étaient là, au club. J’ai dit à ma femme : “Viens, on va regarder ça ici.” C’était un moment très fort pour moi. J’aurais aimé être sur le terrain, aider l’équipe, mais à ce moment-là, j’avais encore du mal avec mon genou, donc dans ma tête, ça moulinait.

« Mais je savais, comme Franco le dit souvent, que tout arrive pour une raison. Gagner un titre, ça ne se fait pas en un ou deux ans. Ça a commencé trois ans plus tôt, et on a fini par aller au bout. Tout le monde sait maintenant comment faut faire. Et je crois qu’on peut recommencer. »

Le retour en forme de Du Preez prenait d’autant plus de sens quand on prend conscience d’où il vient. Élevé dans la banlieue est de Johannesburg, il a grandi avec la criminalité en toile de fond.

« Notre premier quartier était plutôt dangereux – des coups de feu dans la rue, des gens qui essayaient de rentrer dans nos garages. Mon père a dit : “Non, on va déménager dans un coin plus sûr, avec une maison plus grande.” »

Il a commencé sa carrière chez les Lions, la franchise locale, avant de rejoindre les Cheetahs, dans le fief de Smith, la province de Free State, où travaillait alors celui qui est devenu coach de Glasgow. Du Preez et sa femme étaient heureux à Bloemfontein, jusqu’à l’arrivée du Covid. Les Cheetahs ont taillé dans les salaires, et les Du Preez ont vu dans le Royaume-Uni une meilleure stabilité, à la fois financière et sociale. Il signe alors à Sale, et à la naissance de leur fils Izak, le choix est clair : ils décident de rester.

JP du Preez (Sale Sharks) perce la défense lors du match de Gallagher Premiership face aux Exeter Chiefs à Sandy Park, à Exeter, le 6 mars 2022. (Photo : Dan Mullan / Getty Images for Sale Sharks)

« Avec la baisse des salaires aux Cheetahs, on n’aurait pas eu assez pour vivre. Je savais que c’était le moment de partir. On a fait nos valises et on est allés à Manchester. On s’est même mariés pour que ma femme puisse être sur mon visa de travail.

« Quand notre fils est arrivé, j’ai dit à ma femme que je voulais rester au Royaume-Uni pour lui offrir un avenir meilleur. Tout ce qui se passe en Afrique du Sud – les crimes, les meurtres – il a bien le temps de le découvrir quand il sera plus grand.

« Il y a des endroits en Afrique du Sud qui sont vraiment dangereux, avec des gangs, de la pauvreté, des gens qui volent des voitures juste pour pouvoir manger. Mais il y a aussi du bon : les safaris, Le Cap, la Garden Route, Table Mountain… C’est magnifique. Tu pars à la chasse, tu vas pêcher, tu fais un braai, tu bois ton vin, tu manges de la bonne viande et tu vois ta famille tous les week-ends.

« Et puis il y a des endroitd comme Mitchells Plain (dans la banlieue du Cap, ndlr), où tu peux te faire tirer dessus comme ça. Les clôtures électriques, les alarmes qui scannent toute la cour, parfois ton chien les déclenche. Les portes qui claquent, les portes blindées à l’entrée…

« Chaque endroit a ses bons et ses mauvais côtés, et ça, pour nous, c’était “normal”. Mais aujourd’hui, je dois penser à mon fils. Ce n’est pas pour moi que je m’inquiète, c’est pour ma femme et mon garçon. Quand Izak est né, j’ai complètement changé de regard sur la vie. »

« Je crois vraiment aux miracles. Et ça, c’en était un. Mon genou est parfait aujourd’hui. Aucune douleur. »

À 30 ans, JP du Preez est en quelque sorte à l’automne de sa carrière. Et il arrive aussi en fin de contrat. Franco Smith s’est montré critique face à l’appétit grandissant du rugby écossais pour les joueurs qualifiés sur le papier comme « Écossais ». Il donne le sentiment de préférer intégrer davantage de joueurs étrangers aux profils compatibles avec ses exigences, afin d’apporter un meilleur équilibre à son effectif.

« On s’est dit qu’on voulait rester au Royaume-Uni pour obtenir la citoyenneté pour notre fils », explique Du Preez. « On a un plan B, mais notre objectif, c’est de rester ici. Et j’espère que mon agent fait le nécessaire pour ça ! »

Heureusement, Du Preez joue plus régulièrement maintenant. Il a déjà enchaîné six matchs, dont deux comme titulaire. Son retour a été salué comme il se doit par le club, même si Glasgow s’est fait piéger en fin de match par les Ospreys.

Pour Smith, ce retour tient du miracle. Et Du Preez, lui aussi très croyant, partage ce point de vue.

« Je crois vraiment aux miracles. Et ça, c’en était un. Mon genou est parfait aujourd’hui. Aucune douleur. »

« Le jour du match contre les Ospreys, c’était incroyable. Finalement, j’ai eu l’impression que toute cette galère était passée vite. Je sais que c’est bizarre à dire, mais j’avais l’impression de m’être blessé hier, et d’être déjà remis.

« Rejouer avec les gars, faire ce qu’on aime… c’était génial. Je ne prendrai plus jamais rien pour acquis. Maintenant, je veux jouer chaque match comme si c’était le dernier. »

Publié initialement sur RugbyPass.com, cet article a été adapté en français par Willy Billiard.

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