Aurélie Groizeleau, éleveuse de pigeonneaux à l'année et seule arbitre française à la Coupe du monde
Aurélie Groizeleau n’a jamais pu choisir entre ses deux passions, le rugby et son élevage de 14.000 oiseaux dans la ferme familiale de Charente-Maritime. Une entaille sanguinolente près du pouce en guise de souvenir : avant de migrer outre-Manche pendant un mois et demi où elle sera la seule arbitre française à la Coupe du monde, la trentenaire procède aux derniers contrôles des œufs sans rancune contre ses volatiles. “On met la main dans le nid, donc automatiquement ils nous griffent un peu” sourit-elle.
Depuis 2015, la native de La Rochelle conjugue sa carrière dans le rugby et l’élevage de pigeonneaux dans la ferme de ses parents, à Marans (Charente-Maritime), commune limitrophe de la Vendée. Selon elle, “deux mondes assez liés, avec des valeurs communes”, dans lesquels elle a toujours baigné. “J’ai grandi dans cette ferme. Mes parents habitaient ici au départ. Mon père jouait au rugby donc tous les dimanches, on était au club. Je me suis rapidement jetée dans le rugby. Après, on devient passionnée, on ne s’arrête plus”. Même avec un rein en moins depuis la naissance. Même après une rupture des ligaments croisés du genou.
Devenue internationale à XV (5 sélections avec France A) et à VII (7 sélections) après un passage par le pôle Espoir de Toulouse-Jolimont, la trois-quarts polyvalente de Saint-Orens doit mettre un terme à sa carrière de joueuse à 20 ans, un mois avant le Tournoi des Six Nations 2007.

Une renaissance rugbystique en tant qu’arbitre
“Tout s’est arrêté du jour au lendemain. Ça a été un peu violent. Sur le moment, on se dit,: ‘Ok, on aime le rugby. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ?'” Entrainer ? Ce n’était visiblement pas sa voie :“Je trouvais que je n’avais pas vraiment d’impact.” Alors pourquoi pas arbitrer ? “J’avoue que je ne me suis pas beaucoup investie au départ.” Et puis le déclic est arrivé à son retour dans la ferme familiale.
“J’étais banquière en région toulousaine, enfermée dans un bureau. Je n’avais quasiment pas de fenêtres, pas de lumière, se remémore-t-elle. J’avais un peu le mal du pays. Je me suis dit que c’était peut-être le moment que ce soit un tournant de ma vie et que je revienne un petit peu aux sources”.
Ses parents à la retraite “mais toujours actifs”, Aurélie s’est associée à son beau-frère pour reprendre le “Pigeonneau du Marais”. En parallèle, elle officie dans les plus grandes compétitions internationales du rugby féminin et chaque week-end en Pro D2, la deuxième division masculine. Sous contrat à temps plein avec la Fédération française de rugby pour développer l’arbitrage féminin, l’unique femme en noir des championnats professionnels (Top 14 et Pro D2) a saisi une pelle de la ferme pour faire son trou en Ovalie.
La comptabilité dans les bagages
“Ce sont deux mondes assez masculins, souligne-t-elle. En tant que femme, c’est un vrai challenge de pouvoir exister, s’exprimer. Aujourd’hui, on oublie que quasiment 50 % des agriculteurs sont des agricultrices. Sauf que ceux qu’on voit tout le temps, ce sont les hommes.”
L’agriculture “permet de se développer en termes de caractère, de se créer une certaine carapace. Les réflexions misogynes, je les entends autant dans l’agriculture que dans le milieu du rugby. Maintenant, je ne dis pas que je n’y fais plus attention, mais j’arrive à mieux les gérer.”
Imaginez-vous un instant dans la peau d’une arbitre de PRO D2… 🏉
Jérémy de @curieuxlive nous présente Aurélie Groizeleau, la seule arbitre féminine professionnelle de rugby en France. Entre performances sportives, diplomatie et langage corporel, elle nous donne les secrets de… pic.twitter.com/FqEFDMylvT
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Au sifflet, cette Coupe du monde sera sa deuxième après celle de 2022 en Nouvelle-Zélande. Et l’organisation lui a cette fois programmé trois matches de poules au centre (Canada – Fidji le 23 août, Nouvelle-Zélande – Japon le 31 et Angleterre – Australie le 6 septembre). Un de plus qu’il y a trois ans. En revanche, ce sera toujours autant de télétravail.
“J’emmène toute la compta (de l’exploitation agricole, ndlr). C’est moi qui paye toutes les factures, personne ne sait le faire, sourit Aurélie. J’essaie de me prendre deux, trois heures par semaine. Je le faisais déjà en Nouvelle-Zélande. Ma mère m’envoie les factures par photo et moi, je traite à distance les virements”.
Une charge mentale supplémentaire dont n’ont pas à se soucier ses homologues masculins, mais loin d’être une exception dans le collège arbitral de ce Mondial féminin.