« Rassie, c’est un gars malin, non ? » : Nigel Owens décrypte les tactiques de Erasmus
Le match entre l’Afrique du Sud et l’Italie du 12 juillet à Port Elizabeth – plutôt la fessée des Springboks aux Azzurri 45-0 – aurait très bien pu passer dans la section des rencontres anecdotiques. Mais les tactiques tentées par le sélectionneur des Boks Rassie Erasmus en ont fait le match le plus commenté depuis qu’il a eu lieu.
Deux faits de jeu ont retenu l’attention : la vraie fausse remise en jeu (volontairement bien trop courte) de Libbok conduisant au hors-jeu délibéré d’Esterhuizenen espérant décrocher une mêlée où les Springboks excellent. Puis cet ascenseur dans le cours du jeu, habituellement réservé à la touche, permettant aux joueurs de se replacer et d’avoir un avantage pour l’action suivante.
Le mythique Nigel Owens, considéré comme l’un des plus grands arbitres au monde, est revenu sur ces deux faits dans son émission Whistle Watch diffusé sur la plateforme de World Rugby.
« Je pense pas que je pourrais arbitrer le rugby tel qu’il est aujourd’hui. C’est devenu hyper technique », admet-il en préambule, lui qui a pris sa retraite en 2020 après 17 ans de carrière internationale et avoir arbitré 100 tests.
« Rassie, c’est un gars malin, non ? Il connaît toutes les ficelles. Il joue avec les limites, toujours à la frontière des règles… Mais oui, le jeu est vraiment très technique en ce moment. Trouver le bon équilibre, c’est pas simple. C’est même super dur de savoir quand siffler, quand laisser jouer.
« Si t’arrives à trouver ce juste milieu, tu peux vraiment contribuer à un grand match de rugby. Mais si tu te rates, dans un sens ou dans l’autre, ça peut complètement gâcher ce qui aurait pu être un super match. »
The Springboks manufacture a scrum opportunity in the first minute! INSANE! 🤯 #RSAvITA pic.twitter.com/R7wDGGobvH
— Jared Wright (@jaredwright17) July 12, 2025
C’est un peu l’expérience qu’a vécu malgré lui Andrew Brace, l’arbitre sur cette rencontre de Port Elizabeth, sa première entre les deux équipes. C’était alors la quatrième fois (en 36 tests) qu’il arbitrait les Springboks chez eux et il n’a pas été déçu.
Première action litigieuse, cette remise en jeu où les joueurs sont volontairement devant le ballon pour provoquer une situation qu’ils voulaient : une mêlée.
« Le mot-clé, je pense, c’est « volontaire » », analyse Nigel Owens. « Normalement, dans ce genre de situation, si un joueur est devant au moment du coup d’envoi, on considère qu’il est hors-jeu, et on revient à une mêlée. La raison, c’est que le coup de pied part généralement sur dix, quinze, vingt mètres, donc même si un joueur est un peu devant et court après le ballon, son impact est souvent minime, voire nul.
« Mais là, c’est pas ça qu’on a vu. Là, ça semblait volontaire. C’était une manœuvre, un choix délibéré pour obtenir une mêlée. Et derrière, provoquer une pénalité à partir de cette mêlée. Donc dans ce cas-là, si c’était moi l’arbitre, franchement, ce serait une décision assez simple : pour moi, c’est pénalité. Parce que c’est pas juste un joueur légèrement devant, c’est une action construite, assumée. »
« Dans ce cas-là, si c’était moi l’arbitre, franchement, ce serait une décision assez simple : pour moi, c’est pénalité. C’est une action construite, assumée. »
Sur ce coup-là, l’erreur de Erasmus a été que le ballon soit tapé dans l’aire de jeu. Le ballon de Libbok serait allé en touche, la décision n’aurait pas été aussi évidente à prendre.
« Et franchement, c’est quasiment impossible à trancher dans certains cas », poursuit l’ancien arbitre international. « Mais pour moi, ce qui compte toujours, c’est que l’arbitre est seul juge, sur le terrain, à la fois des faits et de la règle.
« S’il sent que le joueur essaye de le piéger, que le geste ne colle pas à l’esprit du jeu, qu’il y a un manque de fair-play… alors il peut tout à fait siffler pénalité. Même s’il ne peut pas prouver à 100 % que c’est délibéré, il a cette possibilité. Mais c’est difficile à juger. Si t’es pas sûr, tu considères que c’est accidentel et tu optes pour la mêlée. Mais si tu te dis “non, là c’est clair, c’est fait exprès”, alors tu peux aller au bout de ta décision. »
Autre tactique innovante signée Rassie Erasmus, cet ersatz de lancer en touche en plein jeu que les Springboks ont reproduit deux fois dans la partie, provoquant un maul spontané et permettant de pousser l’adversaire à la faute. Plus subtile que l’action précédente, celle-ci n’est pas illégale.
« Une touche ne peut avoir lieu que si le ballon sort ou est lancé. Donc là, on n’est pas dans une vraie touche. Mais ce qu’on voit, ça y ressemble : des joueurs qui soulèvent un coéquipier pour capter le ballon sur le coup d’envoi », reprend Nigel Owens.
« Faire ça, lever un joueur pour qu’il attrape un renvoi, c’est totalement autorisé. On le voit à chaque match, c’est dans les règles, rien à dire là-dessus. Donc la vraie question, c’est pas si c’est légal ou pas, mais plutôt : est-ce que c’est dans l’esprit du jeu ? Est-ce que ça crée un déséquilibre ou un avantage injuste ?
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— Jared Wright (@jaredwright17) July 12, 2025
« Parce que quand un joueur est en l’air comme ça, les défenseurs ne peuvent rien faire. Ils n’ont pas le droit d’aller jouer le ballon avant qu’il l’ait attrapé, ils ne peuvent pas le toucher pendant qu’il est en l’air, et ils n’ont pas non plus le droit de s’en prendre aux joueurs qui le soutiennent.
« Donc pendant toute cette phase, l’équipe adverse est contrainte d’attendre que le joueur redescende avant de pouvoir intervenir. C’est une stratégie bien pensée, très tactique. Certains trouvent ça malin, d’autres trouvent que c’est limite. Tout dépend de ce qu’on considère comme acceptable ou pas dans le jeu.
« Et puis il y a la question du danger. Est-ce que ce genre d’action pourrait pousser un défenseur à tenter de faire tomber un joueur en l’air ? Et là, on entre dans une autre dimension, avec un vrai risque. Mais pour l’instant, tant que le joueur est levé et redescend tout de suite après, cette action reste légale. »
Après trois rencontres, ce n’est que le début de la saison internationale pour l’Afrique du Sud qui a encore huit tests à disputer avant la fin de l’année dont le 19 juillet contre la Géorgie, puis le 15 novembre contre l’Italie à Turin ; ce sera alors la troisième rencontre de l’année face à l’équipe de Gonzalo Quesada.
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