Les carnets de Coupe du Monde de Morgane Bourgeois : chapitre 3
Comme une routine désormais bien installée, le lundi est le jour du voyage. On refait les valises, on monte dans le bus et l’on prend la direction d’Exeter. Les familles reparties, la fatigue qui s’accumule, mais surtout la fierté d’être qualifiées en quart de finale. Heureuses, mais pas excessivement enjouées. Nous avons franchi la première étape, atteint le minimum. Nous savons qu’il faut aller plus loin. Nous ne sommes qu’à mi-chemin.
Malheureusement, nous ne retrouvons pas notre hôtel des deux premières semaines. Priorité aux nations les mieux classées, la Nouvelle-Zélande a pris possession des lieux. Nouveau camp de base, cette fois en plein centre-ville. Le terrain et la salle de musculation sont à un quart d’heure, alors le mardi se limite à des réunions stratégiques. La pluie, omniprésente, s’installe. Le fameux « British weather » rythme nos journées. C’est dans ces conditions que nous préparons le quart, convaincues que s’entraîner sous ce climat nous aidera à être prêtes.

La veille du match, l’ambiance avait quelque chose d’irréel. Avec Marie Morland, Khoudee Cissokho et Nassira Konde, nous sommes sorties marcher en ville pour décompresser. Sans y penser, nous nous sommes retrouvées près de la fan zone, où un autre quart était retransmis. Des supporters français nous ont reconnues, demandant des photos, le sourire aux lèvres. Un peu gênées, surprises aussi. Étrange de réaliser que pour certains nous devenons des « stars ». Nous restons des filles qui jouent au rugby, mais ces instants rappellent combien la Coupe du Monde dépasse le terrain.

Le stade, nous le connaissions déjà. Seules les buteuses avaient eu droit au terrain la veille, et elles nous avaient prévenues : le vent allait souffler fort. Le jour du match, il s’est déchaîné, ajouté à une pluie battante. Des conditions idéales pour que l’Irlande impose son jeu. Cinquième nation mondiale, en pleine montée en puissance, cette équipe n’est pas un obstacle facile. Il a fallu lutter sur chaque ballon, sur chaque mètre. Par moments, nous avons pensé au voyage retour. Mais une conviction nous portait : pas aujourd’hui. Pas après tout ce chemin. Alors nous nous sommes resserrées, nous avons résisté, et décroché cette qualification tant attendue.
Le soulagement fut immense. Ce quart avait été une bataille, et nous l’avions remportée. Mais dès le lendemain, l’euphorie a laissé place à la désillusion. Les suspensions de Manae et d’Axelle, la commotion de Lina, puis le forfait de Joanna en fin de semaine. Un sentiment d’injustice s’est imposé. Comme si les « dieux du rugby » n’étaient pas avec nous. Pourtant, paradoxalement, le groupe s’est encore rapproché. Nous étions convaincues que nous pouvions le faire, que nous devions le faire.

Cette demi-finale a condensé toutes les émotions vécues en deux semaines. Au coup de sifflet final, la frustration dominait. Si proches, mais si loin au tableau d’affichage. Nous avons dominé, avancé, fait douter l’adversaire. À la mi-temps, Pauline a tenu un discours puissant qui nous a fait croire à la victoire. Mais la seconde période en a décidé autrement. Dans les regards, au terme du match, se lisait le reflet de trois ans de travail et de sacrifices. L’équipe de France échoue encore aux portes de la finale.
Alors oui, il faudra se relever, donner tout pour aller chercher une médaille et sortir la tête haute. Mais comme c’est dur. Retrouver l’élan après un échec fait partie de la vie d’un sportif de haut niveau. Rebondir en une semaine aura une valeur immense.