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Laetitia Royer : « C’est ça, la vraie force de ce groupe : la possibilité d’être soi-même »

Par Laetitia Royer at Suncorp Stadium, Brisbane
Laetitia Royer

Laetitia Royer est deuxième-ligne internationale du Canada (34 ans, 14 sélections) et analyse ce qui fait la force de la deuxième nation au monde.

Cette année encore, je ne serai pas sur le terrain avec mon club de l’ASM Romagnat en France pour les phases finales du championnat Élite 1. Et forcément, ça me pince un peu. L’an dernier déjà, une blessure au cou m’avait tenue à l’écart. Pas de demi-finale, pas de finale. Cette fois, je suis en pleine tournée avec Rugby Canada. C’est une grosse année, un moment important, et j’ai dû faire un choix. Prioriser le programme national.

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Même à distance, je suis avec les filles. Je leur ai préparé une petite vidéo pour la demi-finale. Les coachs m’ont demandé un mot d’encouragement, alors évidemment, je l’ai fait avec le cœur.

Ce printemps, c’est aussi la fin d’un cycle. Je termine mon aventure en France et je m’apprête à rejoindre un club en Angleterre. Ça s’est bouclé un peu vite, je dois l’avouer. J’ai vécu de très belles années avec Romagnat, j’ai grandi sur et en dehors du terrain, et je suis reconnaissante. Le club a été super respectueux, compréhensif. Maintenant, c’est une nouvelle page, une nouvelle ligue, de nouveaux repères à prendre.

2025, c’est vraiment une année pivot pour moi. Il se passe beaucoup de choses. Des choses qui, je pense, vont déterminer la suite. Est-ce que le processus que j’ai engagé fonctionne ? Est-ce qu’il faut l’ajuster ? Comme dans tous les cycles, il y a une phase d’apprentissage, de développement, de remise en question, et j’ai l’impression que cette année va me permettre d’évaluer tout ça.

Mais au fond, chaque année est importante. Ce n’est pas que 2025 a plus de valeur. C’est la suite logique. J’avance, je construis. L’idée, c’est d’accumuler des outils, de bâtir un bagage qui va me servir sur le terrain… et dans la vie aussi. Ça dépasse le rugby. C’est pas juste un objectif de performance, c’est une mission au fond, personnelle, collective, humaine.

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La tournée pour les Pacific Four Series se déroule très bien. Le voyage entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie a été un peu long, mais on a géré : un peu de repos, un peu de vidéo, on a relancé le cerveau doucement avant de remettre le corps au travail. Une fois la machine relancée, on a enchaîné avec une grosse journée d’entraînement. Des ateliers techniques le matin, un peu de contact l’après-midi. Après une journée off, on a eu le Captain’s Run, et ensuite le match contre l’Australie.

Le turnover est court entre les deux matchs, mais on est bien préparées. Là, c’est du raffinement. On aiguise notre hache. On est concentrées, mais sans se mettre une pression démesurée. On sait qu’il faut apprendre à gérer la fatigue, la densité, parce que ce sera pareil à la Coupe du monde. Ce qu’on vit là, c’est comme une répétition.

We enjoy ourselves so much. On adore être ensemble. Franchement, on apprécie vraiment la compagnie les unes des autres. Ces derniers jours, on essaie d’en profiter au maximum, de passer le plus de temps possible ensemble. On sait qu’un long break nous attend après, alors on savoure. Oui, le corps est fatigué, et ça joue forcément un peu sur le mental. Mais malgré ça, on est là, toutes ensemble, et on mesure la chance qu’on a d’être ici. On est en Australie, il fait beau, c’est magnifique… alors on prend le temps d’apprécier.

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Avant la tournée, pendant la pause du Six Nations, je suis rentrée chez moi. La ligue en France était en pause, alors j’en ai profité pour revenir au Canada. Ça faisait cinq ans que j’étais en France. Et la longue distance avec mon partenaire, c’était devenu lourd. Il m’a toujours soutenue à fond, mais là, j’avais besoin d’être avec lui. Vraiment. D’être présente physiquement, mentalement, émotionnellement.

Je suis rentrée début mars. J’ai pris du temps pour moi, pour mes proches, pour recharger. Deux semaines avec peu de rugby, beaucoup de nature, de calme, de moments simples. Ça m’a réparée.

Cette tournée est vraiment importante. Je dirais même essentielle, surtout en vue de la Coupe du monde. Là, on partira pour sept, huit semaines. Et en réalité, on ne mesure pas tout de suite l’ampleur d’une tournée, tant qu’on n’en a pas vécu une en entier.

Une fois que c’est le cas, on développe une vraie conscience de soi, mais aussi du groupe. On apprend à se situer : où est-ce qu’on en est, collectivement, en termes d’énergie ? Et moi, comment je me sens ? Est-ce que j’ai besoin de m’isoler un moment pour me recentrer ? Ou est-ce que je suis en capacité d’aller vers les autres, d’apporter un peu de positif au groupe ?

Ces ajustements-là, ils sont constants. Sur une longue tournée, on traverse toutes sortes d’états : des moments très porteurs, d’autres plus difficiles. Il faut apprendre à naviguer à travers ça. Et pour ça, on développe des outils, des stratégies personnelles. On échange aussi beaucoup entre nous. Certaines vont proposer une balade, un moment au calme… On partage ce qui nous fait du bien, ce qui nous aide à retrouver de l’énergie. Ça peut être émotionnel, mental, social.

Il y a aussi toute une dimension d’empathie qu’on apprend à cultiver. Chacune vit les choses différemment, et il faut être attentive à ça. Quand on sent qu’une coéquipière a eu une journée plus compliquée, ou quand soi-même on traverse un passage un peu plus fragile, on sait que d’autres le perçoivent. Ce groupe est très à l’écoute. Il y a un équilibre qui se crée naturellement. C’est ce qui nous rend solides.

On se connaît bien. Même les plus réservées, on sent quand quelque chose ne va pas. Et souvent, on se rend compte qu’on n’est pas seules à traverser une baisse de régime. Il y a une vraie conscience collective.

Récemment, j’ai eu une journée difficile. J’ai pris un crampon sur la tête à l’entraînement, je pissais le sang, ça m’a valu des points de suture. Rien de très grave, mais j’étais à fleur de peau. J’ai pleuré à chaque exercice. Et dans un autre contexte, j’aurais peut-être gardé tout ça pour moi. Mais ici, je sais que je peux me montrer vulnérable.

Dans ce groupe, il n’y a pas besoin de faire semblant. Personne ne te demande d’être forte en permanence. On sait pourquoi on est là, on poursuit le même objectif. Et cette dynamique collective, elle inclut tout le monde : les joueuses, les coachs, le staff. Si ça ne va pas, on peut le dire. On a le droit de le montrer. Et on sait qu’on sera soutenues. Que ce soit aujourd’hui ou demain, quelqu’un sera là pour nous aider à remonter.

C’est ça, la vraie force de ce groupe : la possibilité d’être soi-même, avec ses forces comme avec ses fragilités.

La Canadienne Laetitia Royer (au centre) face à la Nouvelle-Zélande lors du match de la Pacific Four Series au stade Apollo Projects, à Christchurch, le 17 mai 2025. (Photo : Sanka Vidanagama / NurPhoto via Getty Images)

Cette tournée tombe vraiment au bon moment, en tout point. On a besoin aussi de matchs exigeants, qui nous permettent de tester notre caractère. De voir où on en est collectivement, mais aussi individuellement. Et puis c’est l’occasion de tester notre confiance. D’affirmer que, oui, aujourd’hui, on est devenu l’équipe à battre. Il faut qu’on pose nos repères, qu’on se positionne clairement.

Il arrive encore qu’on soit regardées un peu de haut, de l’extérieur. Mais malgré ça, on reste une équipe très humble. C’est dans notre identité, dans nos valeurs. On tient à ça. Et en même temps, on veut rester solides dans nos convictions. On le fait pour nous, pas pour prouver quoi que ce soit aux autres. C’est une façon de confirmer que le processus qu’on suit fonctionne. Et quand on voit les résultats que ça commence à produire, on se dit qu’on est sur la bonne voie.

Rencontre
Pacific Four Series
New Zealand Women
27 - 27
Temps complet
Canada Women
Toutes les stats et les données

Ce match nul contre la Nouvelle-Zélande, c’est une étape. Une étape importante, une forme de réassurance. Par rapport à l’année dernière, on sentait déjà qu’on était meilleures. Dès les premières minutes, on l’a ressenti. Dans notre fonctionnement, dans notre engagement. Ça aurait dû être une victoire. Le score ne reflète pas ce qu’on a mis dans le match, ni ce qu’on a montré. Mais quand on regarde le contenu, c’est clair. On le sent, on le voit.

Elles ont marqué les premières, et tout au long du match, on a gardé notre calme. Il y avait de la sérénité, de la maîtrise. Il y avait aussi beaucoup d’énergie positive entre nous. Quand on joue contre des équipes solides, c’est là que ça se voit. C’est dans ces moments-là qu’on mesure la force du groupe. Et ce qu’on a vu sur ce match-là, ça confirme qu’on est vraiment solides ensemble.

Rencontre
Pacific Four Series
Australia Women
7 - 45
Temps complet
Canada Women
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Je ne pourrais pas situer exactement à partir de quel moment l’équipe a pris un tournant important. Mais depuis que Kevin (Rouet, le coach, ndlr) est dans le cycle, on a vu une évolution. Sa façon de faire, sa vision… Si on arrive à bien intégrer ça, on devient difficiles à lire, à perturber. On est capables de s’adapter à plein de styles de jeu différents. On l’a vu aussi contre l’Angleterre lors du premier WXV. Sur le papier, elles gagnent. Mais franchement, ça aurait pu basculer très vite. Et je pense qu’elles l’ont senti, que le match n’était pas si confortable pour elles.

Ces moments-là, ils te rappellent que ce que tu construis tient la route. Que t’es sur le bon chemin. Et que t’as envie d’y aller jusqu’au bout.

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