Marie Morland : « je suis quelqu’un d’assez réservé dans la vie... pas sur le terrain »
Marie Morland aurait pu avoir deux essais à son nom pour sa toute première sélection internationale. A 19 ans seulement (elle aura 20 ans le 5 octobre), elle a été la vraie révélation de cette rencontre fleuve contre le Brésil dimanche 31 août, pour le deuxième match de poule des Bleues à la Coupe du Monde de Rugby féminine.
Le premier intervient à la 6e minute suite à une passe de Séraphine Okemba. A le 19e, Marie se force un passage dans la ligne friable des Yaras et s’effondre dans l’en-but. Mais alors qu’il reste 10 secondes à Lina Queyroi pour taper sa transformation, l’arbitre siffle, recours à la vidéo et annulation de l’essai suite à une faute de Marine Ménager sur la zone de ruck.
La percée d’Annaëlle Deshayes et Marie Morland marque son premier essai lors de sa première sélection ❤️#RWC2025 pic.twitter.com/4Mgl4rJqHP
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Ca ne pèsera pas beaucoup dans le score final, 84-5, et la troisième-ligne centre aura fait forte impression pour ses premières 80 minutes (l’une des cinq joueuses à avoir disputé la totalité de la rencontre). « Pour nous, si elle est dans les 32, c’est qu’on compte sur elle. Elle a montré qu’elle avait de grosses capacités. Si elle est là, ce n’est pas un hasard », a relevé la co-sélectionneure Gaëlle Mignot.
« Le contexte lui a été favorable, elle a marqué très vite. Elle a pu relâcher la pression qu’elle s’était mise. Elle a répondu présente comme on l’attendait. Ce premier match international en appellera sûrement d’autres. On est très contents pour elle. Elle a amené ses qualités où on l’attendait », a temporisé l’autre co-sélectionneur, David Ortiz, prompt à faire jouer les jeunes. « C’est le vivier qu’on avait souhaité. C’est la preuve du bon travail de la formation chez les féminines en France. Les matchs de Coupe du Monde permettent d’accumuler de l’expérience. C’est encourageant. »
Pourtant, Morland n’est pas du genre à se mettre la pression toute seule. « Dans la vie, je ne suis pas quelqu’un de stressé. Mais quand beaucoup de monde met la pression, quand tout le monde est stressé autour de moi, je pense que ça a quand même un impact sur moi », confiait-elle en exclusivité à RugbyPass juste avant la rencontre. « Du coup, le fait de rester dans ma bulle, mais très joyeuse, très décontractée, je pense que ça m’aide à pas me mettre la pression et à pas subir le stress. »
Et ça s’est vu sur le terrain où elle a été dans tous les bons coups. « C’était une première à l’image de Marie. C’est une très très bonne joueuse, très solide. Pour un premier match, elle a su partir quand il fallait sur les mêlées, être juste dans son jeu. Félicitations à elle, elle s’est régalée aujourd’hui. Elle a montré qu’elle était au rendez-vous, qu’elle était prête pour cette Coupe du Monde et que même si elle est très jeune, elle est capable de faire de très très grosses performances », a salué la capitaine Marine Ménager.
« Je m’attendais plus à faire les moins de 20 cette année. Pas la Coupe du Monde… »
Pourtant, rien ne présageait que Marie Morland participe à la Coupe du Monde de Rugby. Convoquée une première fois en stage avec les Bleues en janvier, elle laisse passer le Tournoi des Six Nations et est la première surprise qu’on la rappelle pour préparer la Coupe du Monde, et encore plus pour s’y rendre.
« Je m’attendais plus à faire les moins de 20 cette année », assure-t-elle. Surclassée, comme Kelly Arbey la saison dernière, la joueuse montre qu’on peut compter sur elle. « La différence entre les équipes de France moins de 20 ans et l’équipe de France senior, c’est qu’il y a vraiment un cap à passer. Le jeu va plus vite, qu’il y a plus d’intensité. Tout est plus précis, tout est réglé, timé… donc beaucoup plus de précision, quoi. »
France Highlights vs. Brazil Women, 08/31/2025 pic.twitter.com/QlIb0bN5ZX
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Elle qui a découvert le rugby au collège à 12 ans parce que son frère, ses oncles et grands-parents y jouaient, a dû convaincre sa mère que le rugby était un sport pour elle. « J’ai intégré une section sportive au collège, puis j’ai continué ensuite dans une équipe avec mon frère, avec les garçons, et je n’ai jamais lâché », raconte-t-elle à RugbyPass.
« Ma mère pensait que j’allais faire un an et arrêter, comme je n’accrochais pas vraiment avec les autres sports que j’avais essayés. Mais c’est mal tombé, parce que j’ai accroché directement… Ce que j’adore, c’est surtout l’esprit d’équipe. C’est un sport collectif, mais avec une vraie mentalité, beaucoup de valeurs. Et ça, je pense que c’est quelque chose qu’on aime véhiculer toutes ensemble. Après, bien sûr, il y a tout l’aspect technique, le contact, les bases du rugby. Et s’il faut retenir une valeur, je dirais la solidarité. C’est, je pense, celle qui ressort le plus dans le rugby. »
Chez les U18, sa coach d’alors, Caroline Suné, était tentée de la mettre pilier au vu de son gabarit. Et sur ses conseils Marie a travaillé pour conserver son poste de numéro 8. « C’est un poste où je suis assez libre. Je fais partie des avants, mais sur toute la troisième ligne on manipule beaucoup la balle, on a une bonne vision de jeu. Donc je pense que je peux apporter un peu de ces aspects-là, un peu de puissance aussi. Je suis quelqu’un d’assez réservé dans la vie. Mais sur le terrain, ça se voit pas trop justement. Je ne suis pas la même personne, et donc ça diffère un peu quand même. »
Caroline Suné ose une comparaison : Marie Morland est la Charles Ollivon féminine. Tout un programme.