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Fred Quercy (Montauban) exhume son histoire douloureuse avec le Top 14 : "On nous laissait pourrir en Espoirs"

Le capitaine de Montauban Fred Quercy a inscrit un des essais de son équipe en finale de la Pro D2 2024-2025 contre Grenoble (Photo by VALENTINE CHAPUIS/AFP via Getty Images).

Fred Quercy (34 ans) est à l’image de son club de Montauban cette année au moment d’attaquer le Top 14 : inattendu et atypique. Incroyablement spontané, aussi, loin des communications très formatées d’usage dans l’élite du rugby français. Une division qu’il a brièvement connue dans ses jeunes années de rugbyman, il y a un peu plus de dix ans du côté de Montpellier.

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Dans un entretien presque déconcertant de franchise accordé à RugbyPass, le troisième ligne et capitaine de l’USM est revenu en longueur sur cette période dont il garde des souvenirs amers et sur ce championnat qui s’est refusé à lui pendant si longtemps avant de lui rouvrir les bras au crépuscule de sa carrière.

 

Quel sentiment vous anime au moment de retrouver le Top 14 ?

“C’est une fierté de rerentrer dans le meilleur championnat du monde. Est-ce le bon moment ? Je ne suis pas sûr physiquement d’être prêt à pouvoir donner le meilleur de ce que j’ai pu donner dans ma carrière. J’ai pu par exemple courir à 30 km/h il y a quelques années alors qu’aujourd’hui, je dois être à 27 à fond… J’aurais donc aimé revenir plus tôt, au meilleur de mes capacités, mais je suis en tout cas très fier qu’on puisse amener ce maillot de Montauban en Top 14.”

Aviez-vous fait une croix sur le Top 14 jusqu’à ces derniers mois ?

“Je ne m’étais pas imaginé rejouer en Top 14, c’est vrai. Je sais que ça va en imposer fort physiquement même si le jeu est différent, qu’on va beaucoup tourner et qu’au final ça me coutera peut-être même un peu moins. Cela ne me fait pas peur. Je ne me suis jamais inquiété par rapport au rugby. Je me dis que ce sont des hommes en face, pas des surhumains. Ils sont juste censés être meilleurs que la plupart d’entre nous mais j’ose espérer qu’on a aussi mérité notre place parmi eux.”

“J’ai fait partie des générations sacrifiées à Montpellier”

Quels souvenirs gardez-vous de votre première expérience en Top 14, lors de vos débuts en professionnel à Montpellier (2013-2015) ?

“J’étais jeune et pas tant que ça non plus. J’ai fait partie des générations sacrifiées de Montpellier. On était une quinzaine de joueurs à pourrir en Espoirs jusqu’à 22 ans (avant 2019, la catégorie Espoirs était celle des – de 23 ans, contre – de 21 ans depuis, ndlr). On n’avait aucune confiance des coachs, rien. C’était lamentable. Cela a énormément changé aujourd’hui et j’en suis très content. Je pense qu’un discours comme le mien fait aussi du bien aux jeunes de mon club, qui ont 20, 21 ans et qui sont dans l’équipe pro depuis un ou deux ans.”

Que leur dites-vous ?

“Je leur dis : ‘vous avez de la chance, profitez-en et soyez sérieux. Comprenez que le rugby a changé en dix ans, que tout est mis en œuvre pour que vous puissiez réussir jeune et qu’on puisse vous amener au plus haut niveau le plus rapidement possible. Ce n’était pas le cas avant.’ C’était un rêve éveillé pour moi d’arriver avec les pros à Montpellier, qui était une grosse cylindrée à l’époque. Il y avait six internationaux devant moi, c’était génial mais il n’y avait pas de place pour nous.”

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C’est-à-dire ?

“On sentait bien qu’on ne les intéressait pas. On était en plus payés au lance-pierre. Si ce n’est le fait d’arriver en pro – car j’avais travaillé longtemps pour ça – je n’en garde pas de bons souvenirs. Rien de positif, ni des entraîneurs, ni des mentalités, ni de la façon dont on était traités. Je crois qui si on devait revenir à ça aujourd’hui, 80% des jeunes de 18 à 23 ans arrêteraient le rugby.”

“J’ai vu des potes à moi dans le dur”

À ce point ?

“Oui, on n’était même pas considérés. Pour être poli, je dirais qu’ils n’en avaient rien à faire de nous. C’était violent ! On parle de santé mentale aujourd’hui et je peux vous dire que j’ai vu des potes à moi dans le dur. Ils sont passés du Top 14 à arrêter complétement le rugby. Quand je suis arrivé, on sortait d’un titre de champions de France Espoirs donc ils étaient plus ou moins obligés de nous faire monter à l’étage au-dessus.”

Mais ?

“Mais on pourrissait en pros. Pour en revenir à aujourd’hui, les jeunes ne réalisent pas tout ça, c’est normal pour eux d’être intégrés avec des gars qui ont dix, douze ans de carrière d’avance sur eux. Je trouve ça génial, c’est une très bonne chose. Mais ce n’était pas ça avant et on voyait les conséquences de tout ça sur l’équipe de France. Heureusement que cela a changé.”

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C’est vrai que le XV de France a vécu une période noire entre 2012 et 2019…

Oui et c’était lié. L’équipe de France devenait catastrophique, plus rien n’allait. Il n’y avait que des vieux, qui ne s’en sortaient plus. Les jeunes étaient là mais on ne s’en servait pas. Un serpent qui se mordait la queue ! Du jour au lendemain, ils ont enfin intégré tous les jeunes d’un coup dans les équipes. Le niveau de la sélection n’a pas augmenté tout de suite mais quand ces jeunes ont atteint le niveau professionnel, l’équipe de France est devenue énorme et elle possède aujourd’hui un vivier incroyable.

Vous estimez-vous comme la dernière génération à ne pas avoir bénéficié des mêmes conditions de développement ?

« La dernière génération qui a subi le recours massif et systématique aux étrangers dans le Top 14. Je me souviens, à Montpellier, quand un troisième ligne s’est blessé, nous étions trois jeunes à attendre notre tour, avec un niveau très correct. On n’attendait que ça. Mais non, on a préféré faire venir un joker médical pour quatre matchs. Pourtant j’avais déjà joué avec les pros, et ils étaient contents de moi. Mais ils ont préféré appeler un joueur de deuxième division anglaise, inconnu au bataillon et nul à c****. Il a fait 4 matchs, ils lui ont dit ‘tu es nul, tu dégages’, et au final j’ai fait le dernier match ! C’était tellement irrespectueux.”

“Je ne sais pas si je le mérite, mais je sais que personne ne m’a aidé donc je suis content d’y être arrivé tout seul”

Cette décennie en Pro D2 vous a-t-elle permis de retrouver confiance en votre rugby ?

“Ma carrière a quand même été très compliquée. On ne m’a pas fait beaucoup de cadeaux. Aujourd’hui, je suis très heureux d’en être là. Je ne sais pas si je le mérite, mais je sais que personne ne m’a aidé donc je suis content d’y être arrivé tout seul. J’ai eu deux ou trois opportunités durant ma carrière de revenir en Top 14, on m’a vite pourri et enterré pour rester en Pro D2… c’est comme ça. Peut-être aussi que mon jeu se prête plus à la Pro D2 mais j’aurais aimé me mesurer à d’autres choses.”

À vous entendre, on a le sentiment que vous avez mangé votre pain noir durant votre carrière…

“Oui j’en ai c**** ! Je n’ai pas assez gagné ma vie dans le rugby. J’ai été opéré des quatre membres, cela fait 7 ans que j’attends une prothèse dans le genou… Si un troisième ligne de 34 ans vous dit qu’il est au taquet physiquement, c’est qu’à un moment donné il ne s’est pas envoyé. Pour ma part, je n’ai jamais triché. J’ai été capitaine, fais des saisons à 25 matchs, été élu dans le XV de l’année, meilleur troisième ligne de Pro D2… et je suis quand même resté à pourrir en Pro D2. T’as forcément un peu d’aigreur après ça. Surtout quand tu vois certains mecs descendre de Top 14, que tu joues contre eux et que tu te dis : ‘c’est fade quand même !’. Enfin, c’est ainsi. J’y suis, aujourd’hui, en Top 14, je suis content, j’espère pouvoir maintenir mon club et laisser plus tard la place aux jeunes.

Justement, qu’attendez-vous de cette saison de Top 14 avec Montauban, où tout le monde ou presque vous enterre déjà ?

“Les matchs, il faut quand même les jouer. Je crois qu’on a déjoué pas mal de pronostics déjà l’an dernier. On a cloué le bec à Brive qui était champion de France depuis des semaines avant de nous recevoir. On les aurait joués 100 fois, on aurait peut-être perdu 95 fois mais on a gagné celui qu’il fallait gagner. Donc qu’on nous enterre, ce n’est pas grave. On n’a peut-être pas notre place en Top 14 pour beaucoup de monde mais on a en tout cas gagné les matchs qu’on devait gagner pour y être et je ne veux pas qu’on se pose en victime. On ne sait pas où on va. On prendra peut-être des raclées à tous les matchs, auquel cas on baissera le caquet. Et peut-être aussi qu’on fera des jolis trucs comme Vannes a su le faire l’an dernier. On essaiera de gratter un maximum de points partout pour tenter de nous maintenir.

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