Teani Feleu : « en Coupe du monde, le ranking ne compte plus »
Pas facile de se relever après une défaite en match couperet. Que ce soit en quart de finale ou en demi-finale, comme ce fut le cas pour la France contre l’Angleterre à Bristol 17-35 le 20 septembre. « Au début tu n’y crois pas, tu te dis qu’il reste encore un peu de temps pour changer le résultat. Mais très vite la réalité revient et les émotions te tombent dessus directement », raconte la numéro 8 Teani Feleu (22 ans, 16 sélections) dans une interview exclusive à RugbyPass.
« C’est un sentiment de cœur brisé. Tu donnes tout pendant 80 minutes pour décrocher cette finale et au bout il y a beaucoup de déception et de frustration de ne pas avoir fait assez. À chaud, je n’ai jamais eu le sentiment qu’on lâchait. On se disait toujours qu’on pouvait revenir au score. Mais quand Ellie Kildunne a marqué cet essai de 80 mètres, le moral a un peu baissé. Tu essaies encore de te dire que tu peux revenir, mais le temps file plus vite que tu ne voudrais. Pendant le match, je ne me suis jamais dit “c’est fini”. J’ai juste essayé de faire avancer l’équipe, de ne pas perdre de ballons et de marquer.
« Le rêve de la Coupe du Monde est en quelque sorte terminé. Mais après, en discutant avec l’équipe, on te rappelle qu’il reste un match pour te rattraper. Ça m’a aidée à basculer vers quelque chose de plus positif, de savoir que tu peux encore décrocher une 3e place et ne pas rentrer les mains vides. »

Battues en quart de finale du tournoi olympique aux JO de Paris 2024, les Bleues à 7 avaient réussi à se remobiliser pour terminer sur une victoire et finir 5e quand les Australiennes, battues en demi-finale, avait échoué à monter sur le podium pour le dernier match qui leur restait à jouer. La Force du mental est primordiale dans ces moments-là.
L’opération remobilisation a été enclenchée dès la fin de la demi-finale, lorsque les Bleues se sont retrouvées en cercle. « C’est surtout Marine qui a parlé », révèle Teani Feleu. « Elle a dit qu’elle était fière de ce qu’on avait fait, qu’on avait montré du caractère. Mais contre l’équipe numéro 1 mondiale, les erreurs coûtent cher et ça nous a coûté le match. Elle a insisté pour qu’on soit fières de notre parcours et qu’on aille chercher cette 3e place. »
Une rencontre qui coïncidera avec le dernier test de la capitaine. Est-ce qu’elle a enjoint ses coéquipières à ne pas lui pourrir sa sortie ? « Oh non, elle ne nous a pas fait passer ce message-là ! », rigole Teani. « Mais on sait que Marine a eu une très grande carrière et qu’elle termine sur une Coupe du monde en plus en étant capitaine. C’est un plaisir d’avoir pu jouer avec elle. C’est une très, très grosse joueuse qui a apporté énormément de choses à l’équipe. Donc en tout cas, c’est avec fierté qu’on jouera ce dernier match pour elle. »
Il faudra sans doute du temps à cette équipe pour digérer pleinement cette déception – le XV de France d’Antoine Dupont garde toujours deux ans après comme une blessure son élimination en quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby 2023 contre l’Afrique du Sud. « Je pense que pour l’instant c’est digéré. Mais suivant les résultats du week-end, les émotions peuvent remonter et amplifier la déception, ou au contraire la transformer en expérience positive si on finit sur une bonne note », prévient la troisième-ligne qui avait été victime d’une entorse du pied lors du match contre l’Italie.

En 2017, lorsqu’on avait croisé la capitaine de l’époque Gaëlle Mignot juste après la finale de bronze remportée 31-23 contre les États-Unis sur la pelouse du Kingspan Stadium de Belfast (Irlande), elle ne sautait pas de joie. Certes ce n’est pas son style. Mais son calme et son visage fermé disaient beaucoup : quand on est la France, on ne quitte pas une compétition de haut niveau sans une victoire. Et samedi 27 septembre face à la Nouvelle-Zélande, la France a l’occasion de se refaire.
« Les anciennes savent que quitter la compétition sur une victoire et ramener une médaille autour du cou, ça apporte beaucoup de positif dans l’aventure. C’est sûr que quand on en parle, on le sait. Mais forcément, je n’ai jamais vécu ça, donc je ne peux pas savoir si le contraire a un effet différent. En tout cas, l’objectif est clair : on veut gagner ce match et ramener la médaille de bronze », affirme Teani dont la sœur Manae ne pourra participer sur le terrain au match de l’équipe.
« Les anciennes savent que quitter la compétition sur une victoire et ramener une médaille autour du cou, ça apporte beaucoup de positif dans l’aventure… »
Pour autant, malgré sa suspension pour deux matchs suite à un plaquage haut en quart de finale contre l’Irlande, sa contribution a été essentielle dans la préparation des deux dernières rencontres. « C’est quelqu’un qui positive assez facilement. Elle aime se dire qu’elle fait partie de l’équipe à travers les à-côtés, en aidant sur la vidéo, sur l’analyse. Elle essaie de décharger certaines joueuses en les aidant sur l’aspect stratégique et tactique. Je pense que, là, son aide extérieure est encore plus forte maintenant », explique la petite sœur.
« Mais ce n’est pas parce qu’elle ne joue pas qu’elle n’est plus capitaine. Son rôle reste le même au sein du groupe. On s’entraîne avec elle, et beaucoup de filles s’appuient encore sur ce qu’elle dit. Le fait qu’elle ne finisse pas la compétition, ça ne change rien. »
Les compositions pour la finale de bronze entre les Black Ferns et les Bleues 💥#RWC2025 pic.twitter.com/wwPqtPesCY
— Rugby World Cup FR 🇫🇷 (@RugbyWorldCupFR) September 25, 2025
Après les n°1 mondiales, place aux n°3 néo-zélandaises, alors que la France pointe à la 4e place au classement mondial World Rugby. Pas de quoi décourager la native de Mâcon (Saône-et-Loire). « Pour moi, le rugby c’est un sport où rien n’est écrit d’avance. Il n’est pas dit que les favoris gagneront toujours. Tout peut arriver dans le sport, donc rien n’est impossible. Et puis en Coupe du monde, le ranking ne compte plus, les compteurs sont remis à zéro », évacue-t-elle en ayant une idée de ce qui l’attend pour son 4e match de cette Coupe du Monde de Rugby.
« Les Néo-Zélandaises jouent beaucoup à l’instinct. Pour moi, c’est ça, c’est la culture du rugby en Nouvelle-Zélande. C’est beaucoup de jeu, c’est très dynamique. Donc déjà, il va falloir qu’on tienne le rythme et qu’on essaie de bloquer toutes les possibilités de jeu qu’elles vont mettre en place.
« Avec le jeu qu’on a produit (en demi-finale contre l’Angleterre, ndlr), je pense que c’est une de nos meilleures prestations. Il faut qu’on s’appuie dessus, sur les points positifs, mais surtout sur les erreurs qu’on a faites et qui nous ont coûté le match. Et puis, de toute façon, les Anglaises, ce n’est pas les Black Ferns. Ce sont deux jeux très différents, donc il va falloir aussi trouver d’autres solutions pour gagner ce match. »