Le salary cap correspond-il à la réalité économique du rugby en 2025 ?
En se prononçant sur le sujet sensible du salary cap instauré par la Ligue Nationale de Rugby (LNR), l’ouvreur star du Stade Toulousain et du XV de France Antoine Dupont a jeté un nouveau pavé dans la mare. Depuis le début de la saison dernière, le plafonnement de la masse salariale des clubs est un sujet de crispation entre la LNR et les joueurs et, à en croire ces derniers, son système actuel ne correspond plus à la réalité économique du rugby d’aujourd’hui.
Instauré en 2010, ce concept importé du sport US semble plus que jamais en décalage avec une discipline qui a connu une évolution exponentielle au cours de ces quinze dernières années. L’idée de base était louable : mettre tous les clubs, du plus petit au plus gros budget, sur un même pied d’égalité économique : plafonner la masse salariale à 10,7 millions d’euros aujourd’hui. Sauf qu’aujourd’hui, les clubs se sentent bridés d’autant que l’expérience montre que ce n’est pas parce qu’un club attire des stars qu’il performe – le cas du Stade Français la saison passée (deuxième plus gros budget et une lutte pour le maintien) et de Perpignan aujourd’hui (arrivée de Jordan Petaia et Jamie Ritchie alors que le club est dernier) sont criants.
Un outil de régulation
Le système s’est complexifié au fil des ans en même temps que l’économie du rugby a évolué. Ainsi, le salary cap inclut notamment les indemnités de transfert d’un joueur d’un club à un autre, mais aussi toute forme d’exploitation de l’image du joueur, par exemple lors d’un contrat publicitaire avec une entreprise déjà partenaire de son club. Par le passé, plusieurs clubs ont cherché à contourner ces règles (prétendre que tel joueur est employé par le sponsor et non par le club, le rémunérer uniquement par des contrats pub si une entreprise n’est pas sponsor du club…).
Considéré comme « un outil de régulation essentiel à la productivité et au développement durable du rugby professionnel visant à maintenir l’équilibre compétitif du championnat, car la masse salariale des joueurs est un élément déterminant de la performance sportive des équipes » (selon les propos de la LNR), le salary cap se présente aujourd’hui en décalage complet avec le développement grandissant du rugby.
« On se retrouve dans une économie du rugby qui est grandissante (…) grâce à nous les joueurs au milieu et au final on n’est pas bénéficiaire de ça puisque le salaire stagne, voire baisse, et on ne peut pas utiliser notre image… »
Et s’il y a bien un joueur bankable qui incarne cette distorsion, c’est bien Antoine Dupont, devenu à 28 ans la figure de proue du rugby français, reconnu et respecté à l’international, véritable star invitée par les plus grands (à la keynote d’Apple par Tim Cook en septembre par exemple) et sur la stature duquel pèsent de nombreux contrats publicitaires.
« Les règles du salary cap (…) nous empêchent d’utiliser notre image individuelle à travers des contrats de pub classiques », a estimé le meilleur joueur du monde auprès de l’AFP, du Monde et de SportBusiness Club en marge du renouvellement du partenariat entre le Stade toulousain et Peugeot, dont il est aussi ambassadeur à titre individuel, jeudi 2 octobre.
Pour le demi de mêlée, « il y a 4-5 ans il n’y avait pas de sujet » en raison du faible nombre de contrats. « Aujourd’hui ça devient problématique pour la majorité des joueurs de l’équipe de France (…) car on sait déjà qu’on est restreint par ce salary cap. »
Des réputations qui traversent les frontières
Si la première véritable star internationale du rugby français fut Sébastien Chabal dans les années 2000, les performances des internationaux aujourd’hui – aussi bien joueurs que joueuses – font que leurs réputations dépassent largement les frontières de l’hexagone.
Dans son règlement, la Ligue nationale de rugby (LNR) soumet les clubs de Top 14 à un plafonnement de leur masse salariale à 10,7 millions d’euros jusqu’au début de la saison 2026/2027. Mais ce montant est justement en cours de négociation entre les présidents de club pour la suite.
Sauf que le président de la LNR, Yann Roubert, a dit sa volonté de l’abaisser, après une première diminution lors du Covid-19, ce qui n’est pas du tout ce que réclament les joueurs. Les revendications, portées avec le syndicat des joueurs Provale, ne sont « pas du tout » écoutées par la Ligue, a regretté Antoine Dupont.
Avec les records de droit télé ou d’affluence en Top 14, « on se retrouve dans une économie du rugby qui est grandissante (…) grâce à nous les joueurs au milieu et au final on n’est pas bénéficiaire de ça puisque le salaire stagne, voire baisse, et on ne peut pas utiliser notre image. Ça commence à faire beaucoup. »
« La LNR n’interdit en aucun cas à un joueur de disposer de son droit à l’image », a voulu désamorcer la LNR dans un communiqué. « Ce qui est prévu, c’est que les contrats conclus avec une entreprise partenaire du club soient déclarés dans le salary cap par les clubs. C’est un principe de transparence, récemment renforcé, qui vise à éviter tout contournement du plafond salarial par des rémunérations indirectes. »
C’est justement un des points d’achoppement avec les joueurs. « Même dans leur droit de regard, ils essayent d’être de plus en plus invasifs en nous demandant de citer tous les partenaires qu’on a, même les partenaires qui ne sont pas partenaires avec le club », pointe Antoine Dupont.
« Le débat est totalement ouvert et aucune orientation n’est privilégiée à ce stade. Il est légitime que ces perspectives d’évolutions suscitent des interrogations… »
La volonté de contrôle et de régulation portée par la LNR (qui en parle comme d’une « garantie de la durabilité et de la compétitivité du rugby professionnel français ») et la libéralisation prônée par les joueurs se heurtent aujourd’hui à la réalité économique du rugby français qui est en hausse depuis les cinq dernières années.
« Une réflexion de fond est engagée avec les clubs sur l’ensemble du dispositif : le montant du plafond, mais aussi son périmètre, son assiette et ses mécanismes de contrôle », rappelle néanmoins la Ligue nationale de rugby. « Le débat est totalement ouvert et aucune orientation n’est privilégiée à ce stade. Il est légitime que ces perspectives d’évolutions suscitent des interrogations. Comme toujours, les joueurs, par l’intermédiaire de leur syndicat Provale, seront pleinement associés à ce travail. Si des propositions d’évolution émergent, elles seront soumises au Comité Directeur, dont Provale est membre, au début de l’année 2026, pour une mise en œuvre à partir de la saison 2026/2027 ou 2027/2028. »
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