La fois où Stuart Lancaster a été dégoûté des cadres trop bien installés du Racing 92
Dans un podcast qui vient d’être diffusé Outre-Manche, Stuart Lancaster lève le voile sur les tensions internes qui l’ont conduit à quitter le Racing 92 en cours de saison, évoquant le fossé culturel qu’il a ressenti au sein du club francilien et la méthode radicale qu’il a utilisée pour provoquer une prise de conscience collective.
Arrivé à Paris en grandes pompes en 2023, l’Anglais, ancien sélectionneur du XV de la Rose (2011-2015) est reparti piteusement au début de l’année 2025 après une série de mauvais résultats du club. Il a depuis repris les commandes de la province irlandaise du Connacht, en URC.
Invité du podcast Human Alchemy, animé par l’ancien joueur Ross Neal (le trois-quarts centre de 29 ans évolue aujourd’hui aux Etats-Unis), Lancaster est revenu sans détour sur son passage difficile à Paris et sur le comportement d’un noyau de cadres, selon lui trop installés, qui l’a profondément agacé.
View this post on Instagram
« Ce qui me dérange le plus, c’est sans doute le manque d’envie de progresser », dit-il. « Dans l’environnement que je viens de quitter [le Racing 92], sans citer de noms, il y avait un groupe de joueurs… ça me rendait dingue. Des mecs bien payés, qui viennent, pointent, repartent. Contents de jouer, contents de ne pas jouer.
« Et ça, ça a vraiment commencé à me peser, alors que moi j’étais debout à cinq heures du matin pour donner le meilleur. Il y avait un groupe de joueurs dans le même état d’esprit que moi, et un autre qui se contentait de ce qu’il avait. Ce n’étaient pas des fauteurs de trouble, pas de mauvais mecs – tous étaient de bons gars – mais ils n’avaient pas cette envie de devenir les meilleurs possibles, et ça m’a vraiment frustré. »
« Ce qui me dérange le plus, c’est sans doute le manque d’envie de progresser… »
Selon lui, certains étaient simplement trop à l’aise, installés depuis trop longtemps. « Ils étaient dans leur zone de confort. Ça faisait longtemps qu’ils étaient là », détaille-t-il. « J’ai fini par être tellement frustré, après un match perdu contre le Stade Français… Certains de ces mecs étaient très bien payés, ils avaient des contrats solides. »
Stuart Lancaster fait sans doute référence au derby du 24 novembre 2024 qui s’est soldé par une fessée des Stadistes, 40-24. Leur première victoire depuis 2017. A ce moment-là du championnat, le Stade Français était au plus bas dans le classement quand le Racing se relevait.
« J’ai dit : “Voilà ce que je vais faire. Je vais vous aligner en fonction de vos salaires, du mieux payé au moins bien payé. On va vous mettre en ligne. Ensuite, on votera pour désigner le joueur le plus respecté, puis on vous classera du plus respecté au moins respecté.”
« Je me suis dit : “Dans ma tête, logiquement, ceux qui ont les plus gros salaires devraient être les plus respectés, parce que ce sont les leaders, ceux qui montrent l’exemple.” Et j’ai dit : “Vous pensez que ce sera le cas ?” Et ils ont tous dit : “Oh non, il a craqué.” »
Lancaster ne les a finalement jamais alignés selon leur salaire, mais il est allé au bout de l’idée avec le classement du respect.
« J’ai dit : “Je vais vous aligner en fonction de vos salaires. Ensuite, on votera pour désigner le joueur le plus respecté. Et ils ont tous dit : “Oh non, il a craqué.” »
« J’ai pris la liste de l’effectif – 45 joueurs, avec des jeunes – et je leur ai demandé de s’évaluer entre eux sur trois critères : technique/tactique, physique, et mental. Sur 10, pour chaque joueur », détaille-t-il.
« Chaque joueur a donc reçu 44 évaluations, on a calculé une moyenne. Et ensuite, on a classé tout le monde. Techniquement et tactiquement – qui est le plus respecté ? Je sais que Gaël Fickou est numéro un, Owen Farrell numéro deux, ou peu importe, et ça va jusqu’au 44e.
« Physiquement, pareil. Et mentalement – sur la résilience, le leadership, l’ouverture d’esprit, la volonté de progresser – c’était ça qui m’intéressait le plus. Les autres comptent aussi, mais c’est là-dessus que je voulais vraiment les jauger. Là encore, on a eu un classement de 1 à 45. Certains des plus jeunes étaient dans le top 10, et certains des plus anciens dans les dix derniers.
« Certains des plus jeunes étaient dans le top 10, et certains des plus anciens dans les dix derniers. »
« Je ne les ai pas alignés pour leur dire ça, mais j’ai vu chaque joueur un par un, et je leur ai dit : ‘Tu es dans le tiers du haut, le tiers du milieu ou le tiers du bas, selon comment tes coéquipiers te respectent et perçoivent ce que tu fais.’ Je ne l’ai pas rendu public. Mais ça a eu de l’impact. Parce qu’il y avait des mecs qui se voyaient comme des cadres, comme des leaders, persuadés d’avoir le bon état d’esprit.
« Et pourtant, même en leur disant dix fois ‘Tu peux faire mieux’, il a fallu ce retour à 360° de leurs coéquipiers pour qu’ils se disent : ‘Mince, ce n’est pas que Stuart qui le pense. Tout le monde le pense. Il faut que je hausse mon niveau.’ »
« Chez certains, ça a clairement changé les choses sur le terrain. C’était un électrochoc. En France, ils appellent ça comme ça. Je ne pense pas que ce soit une solution de la dernière chance. Au fond, c’est juste du feedback, non ? »
Lancaster ne cite donc aucun nom, mais… Dans l’équipe ce jour-là se trouvait, entre autres, le troisième ligne Cameron Woki ou encore le talonneur Camille Chat qui, on le sait, se fera viré quelques semaines plus tard pour être arrivé à un entraînement sans avoir décuité. L’éviction de celui qui aura passé 10 saisons avec le Racing a fait grand bruit. Le joueur de 29 ans s’est ensuite racheté une conduite en signant au LOU de Karim Ghezal. Pour lui aussi cet électrochoc a eu du bon. Peut-être pas pour Stuart Lancaster…
Actus, exclus, stats, matchs en direct et plus encore ! Téléchargez dès maintenant la nouvelle application RugbyPass sur l'App Store (iOS) et Google Play (Android) !
